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Ielles étaient environ encore mille à défiler hier jeudi soir, selon plusieurs comptages concordants. Refusant de « céder le pouvoir aux héritiers de Vichy », la déferlante a gagné l’ensemble du centre-ville durant une bonne partie de la soirée. L’ambiance fut festive et déterminée, slogans et pancartes proclamant par exemple : « pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartiers pour les fachos ». Activistes pro-palestiniens, membres des gilets jaunes, sympathisants altermondialistes, ont diversifié les rangs. La soirée s’est soldée par des affrontements à Granvelle, où gaz lacrymogènes et brigades motorisées ont été déployés. Au moins six interpellations ont été recensées, la plupart au motif « d’outrage et rébellion. » À quelques jours d’une mobilisation-monstre, les pouvoirs publics ne cachent plus le pronostic d’un embrasement.

En même temps que la crise politique s’est installée dans le pays, comme souvent c’est donc par la rue que la protestation s’exprime le mieux à Besançon. Ainsi depuis lundi, les cortèges spontanés et massifs se succèdent dans la ville. Aucune déclaration ni signature, des leitmotivs hostiles à l’État, une inscription assumée dans la confrontation avec les forces de l’ordre, dessinent ce qui est désormais désigné sous le nom de « soulèvements antifascistes ». Les participant-e-s ont une sociologie très diverse, mais il s’agit pour l’essentiel de jeunes aux penchants nettement de gauche empruntant volontiers aux codes autonomes ; on compte également nombre de mineur·e·s, des abstentionnistes convaincu·e·s, d’autres enfin n’étant plus inscritƒe·s sur les listes électorales, au milieu d’élu·e·s, de bénévoles associatifs et de militant·e·s d’obédience sociale-démocrate.

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Une synergie explosive, qui inquiète fortement les autorités. « La résistance à l’extrême-droite est le détonateur, mais immédiatement derrière il y a la question sociale qui s’agite. On peut minimiser le truc en se disant que ce sont quelques centaines de petits cons qui défilent, mais les choses risquent de devenir durables et critiques. Une sorte de second round après l’opposition à la réforme des retraites, peut-être en pire » confiait par exemple une source régalienne. Une vision que confirment d’autres observateurs, relevant les précautions désormais prises en haut-lieu : « Le stationnement a été interdit aux abords de la Préfecture les 13 et 15 juin, des rondes sont effectuées pour retirer le mobilier urbain susceptible de finir en barricade ou projectile, les effectifs policiers ont été remontés au maximum ; en fait la situation est actée, c’est une révolte en gestation ».

Constitution de coordinations locales, assemblées générales étudiantes, mise en place de groupes d’actions… Si les mobilisations sont impressionnantes, l’offensive impulsée par les organisations et la société civile est loin de se limiter à ces seules démonstrations. «Quelles que soient les pratiques et les convictions, nous faisons front commun afin de dégager le Rassemblement National. Sans exclure la rue qui constitue ici une tradition majeure, il ne faut pas oublier de batailler par l’art, la culture, le sport même, puis, in fine, bien sur, les urnes. Tout cela est encore en construction, mais le consensus est maintenant total » expose ainsi un cadre écologiste. Une première jonction de ces différents pôles devrait s’effectuer ce samedi 15 juin, par un appel unitaire à 15h00 place de la Révolution. Beaucoup espèrent renouer avec le sursaut de 2002, avec un afflux à cinq chiffres.