Atlas Sonore Des Langues Régionales De France

Langues régionales : encore trop de clichés ! Pour cette troisième comtoiserie, analysons trois clichés tenaces que subissent les langues régionales de Franche-Comté.

Langue ? Dialecte ? Patois ?

Cela a été dit dès la première comtoiserie, la Franche-Comté a deux langues régionales reconnues comme telles par l’UNESCO et le Conseil de l’Europe. Le franc-comtois est une langue. L’arpitan est une langue.

Le dialecte, lui, est une variante d’une langue souvent limitée à un territoire précis. Ainsi, le bousbot, qui a été présenté dans la comtoiserie de juin, est un dialecte de la langue franc-comtoise de Besançon et ses environs. Autre exemple, le sauget est un dialecte de l’arpitan limité à la République du Saugeais.

Mais le terme patois dans tout ça ? Eh bien il englobe tout, langue et dialecte. En fait, tout ce qui semble être du français mal parlé, du français déformé qu’il faut corriger en France, mais aussi en Suisse, en Belgique, en Italie. Mais le terme patois est paradoxal car il est à la fois péjoratif : il inclus une notion de mépris ; et à la fois affectif : c’est le patois de la grand-mère ou de l’oncle, c’est un mot plein de souvenirs. Ainsi, toutes les associations comtophones de Franche-Comté et de Suisse intègrent encore aujoud’hui les termes patois ou patoisants dans leurs noms (Le Patois Fougerollais, Union des Patoisants de Belfort-Montbéliard, Amicale des Patoisants d’Ajoie et du Clos du Doubs etc). Pourtant, cela ne coûterait rien de remplacer les termes patois ou patoisants par langue et comtophones, ce n’est là qu’une question de volonté. Pour preuve, lors de la parution du Petit Prince en franc-comtois, la mention « Traduit en langue franc-comtoise » est présente et le terme patois n’apparaît sur aucune page.

Un « patois » différent d’un village à l’autre ?

Si vous avez bien lu le paragraphe précédent, la réponse est non puisque nous sommes face à deux langues qui comptent chacune des centaines de communes dans leurs territoires linguistiques respectifs. Mais ce cliché est logiquement renforcé par les dialectes, les accents et les mots vernaculaires.
Exemple pour l’arpitan, à Lemuy, vache se dit votso, mais à quelques kilomètres plus au sud, aux Vaudioux, vache se dit vatsa. Voilà donc, par une simple différence d’accent, par une simple différence de prononciation d’un même mot d’une même langue, comment un cliché se renforce. Et ce cliché et d’autant plus injuste que le mot se rencontre sous des formes peu changeantes au-delà de la Comté : vatsa dans le Forez, vatze en Savoie, vatse au Val d’Aoste.

Mais puisque dans toute légende existe une vérité, voilà un exemple d’un véritable changement linguistique entre deux communes voisines, Commenailles et Chapelle-Voland. En 1980, Gabriel Bersot publie un petit livre intitulé « Le patois de Commenailles et autres proches lieux… » et cite ainsi :

Ce que je sais c’est que le patois est une langue parlée et non écrite. Ce qui donne quelques petites différences (par graves du tout) d’un pays à un autre.

Ici, on dit un « cutai », un « raitai », et à Chapelle-Voland, un « cutiau », un « raitiau », pour nommer un couteau ou un râteau. Mais l’armature des mots, c’est-à-dire les consonnes, reste la même.

Pour le coup, oui, le « patois » est vraiment différent d’un village à un autre car ces deux villages n’emploient pas la même langue, ils sont séparés par la frontière linguistique entre le franc-comtois (Commenailles) et l’arpitan (Chapelle-Voland).

Le patois ne s’écrit pas ?

Le premier texte attesté en franc-comtois a été écrit voilà bientôt 500 ans, en 1525 ; c’est Le chant du Rosemont. Autant vous dire que nos deux langues régionales ont donc été couchées sur le papier à de nombreuses reprises jusqu’à nos jours à travers des glossaires, des lexiques, des bulletins associatifs. Mais ce cliché tenace a émergé par l’absence d’académies et par l’illettrisme ; difficile d’écrire dans sa langue quand l’on ne sait tout simplement pas écrire. Enfin, avec une langue française étant seule langue administrative, comprenez que l’emploi des langues régionales dans les textes officiels resta inexistant. Mais donc oui, les langues régionales s’écrivent parfaitement et depuis longtemps et les initiatives de graphie commune pour la conjugaison, la grammaire, l’orthographe et le vocabulaire, ne datent pas d’aujourd’hui.

Alors, comment synthétiser ce que vous venez de lire ? La méthode est simple, retenez que deux langues régionales existent en Franche-Comté et qu’elles peuvent s’écrire malgré quelques différences liées aux accents. Rien de plus simple donc, mais le chemin est encore long pour une connaissance reconnaissante.

Illustration : Atlas sonore des langues régionales de France.