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Pilier de la scène métal en Franche-Comté, « la Horde Sequane » et son président Alain Thievent s’avèrent pourtant aujourd’hui mis au ban de la région. La controverse couve depuis septembre 2022, où de premières accusations ont émergé quant à la programmation de son festival-phare « Sequane Fest » à Montbéliard. La salle qui l’accueillait jusqu’alors actait leur rupture en mars 2023, provoquant un séisme dans ce petit milieu. La structure se cantonne désormais à des productions suisses, où elle a tant bien que mal maintenu son « Forest Fest ». Mais depuis, la référence et son leader sont rattrapés par d’autres démons : Discours racistes, sécurité confiée à des néonazis, persistance de manifestations ultranationalistes…

« Tu en mets deux fois plus dans les wagons ! »

Avec la parution d’un article publié par « radio BIP » le 27 septembre 2022, de premières interrogations ont émergé au sujet de la programmation du festival « Sequane Fest ». Mastodonte du milieu métal, l’association « la Horde Sequane » qui le porte s’est imposée depuis vingt ans dans l’Est de la France. Références néonazies, labels antisémites, paroles suprématistes, furent cependant rapportées à cette occasion, touchant à des degrés divers huit des neuf groupes prévus. Si aucun dirigeant n’avait initialement réagi, le fondateur et président Alain Thievent avait par la suite balayé avec force ces accusations via un communiqué. « Notre événement, notre association, ainsi que ses membres » ne sont en rien affiliés à une mouvance d’extrême-droite » garantissait-il.

Pourtant, d’après de nombreux éléments exposés sur ses réseaux sociaux personnels, le principal intéressé est loin d’être toujours aussi apartisan et maîtrisé que promis. À l’issue du premier tour des élections présidentielles de 2012, Alain Thievent défendait ainsi son soutien au « Front National » ; mais au-delà des thématiques habituelles comme la construction européenne, l’immigration, ou encore l’insécurité, les dérapages verbaux vont rapidement s’enchaîner en parallèle. « Moi j’ai mal au cul […] quand je vois les putains de n*gres rouler en BMW, payée avec le trafic de stups… la petite famille arabe bien nombreuse qui profite du système français tout en chiant sur le drapeau […] » assène t-il à une interlocutrice. Une violence stupéfiante, qui n’est pas isolée.

Florilège : [sur le terroriste Anders Breivik] « Anders, t’es un héros ! » (2012) ; [sur la vente d’un tee-shirt] « c’est 12 euros, mais je suis pas juif, si c’est pour ne jamais le porter, je ne te le vendrai pas ! » (2012) ; [sur un scrutin avec le parti « ISLAM »] « au four islam de merde » (2013) ; [sur Lassana Bathily] « l’héroïsme d’un muslim, mais LOL ! » (2015) ; [sur ses vacances] « les plages du sud c’est aussi […] des grosses fatmas déguisées en Batman » (2019) ; [sur la fermeture d’une attraction à Europa Park] « les petites putes progressistes ont encore frappé… » (2021) ; [sur le commentaire « je déporterai tout ces gauchistes en camp de travail »] « vu leur physique de lâches c’est économique et écologique, tu en mets deux fois plus dans les wagons ! » (2022).

Alain Thievent reconnaît la réalité de ces propos, mais précise qu’ils « ne sauraient engager la responsabilité de l’association » et ne sont « visibles que par ses amis et lui ». Sur leur portée, il explique : « Ce sont des traits d’humour noir, j’aime être provocateur, je suis comme ça, mais ça n’a rien de viscéral, ce n’est pas méchant. […]. Faisant du Black Métal, nous sommes anti religieux, que ça soit catholique, ou toute autre religion ». Toutefois, concernant certains discours, comme sa prose diffusée suite à la défaite de Marine le Pen le 22 avril 2012, il admettra finalement : « C‘est ici effectivement assez stupide, et ce sont des réactions à chaud, irréfléchies, où la parole dépasse la pensée, sur des sujets débattus sur les réseaux sociaux, qui au final n’apportent rien de bien ».

Exemple d’une publication d’Alain Thievent sur Facebook, réagissant à un article de France Bleu le 24 septembre 2020 – capture d’écran.

En 2015, un concert chez Serge Ayoub

Autre donnée éloquente, une soirée tenue en petit comité le 12 décembre 2015 à Berzy-le-Sec. Un événement sobrement annoncé comme « un concert black métal », avec trois groupes prévus pour l’occasion : « Excruciate 666 », « Conquerors » et « Myrkvid ». Ce dernier fut fondé en 2007 par Alain Thievent alias « Myrk », y officiant comme figure tutélaire et chanteur principal. Plus qu’une modeste tête d’affiche, l’artiste s’est aussi chargé d’une part significative de l’organisation : Programmation, invitations, publicité… Mais, alors que le lieu de réception fut présenté comme une simple « maison associative », il s’avère que ce local est le siège des bikers du « Praetorians » (devenus « Gremium », en 2018) gérés par le bonehead notoire Serge Ayoub.

Un détail auquel le citoyen avait déjà accès, à travers un article du journal « l’Ardennais » ou en consultant les sites communautaires ; la page Facebook de l’organisation fut d’ailleurs survolée par Alain Thievent, si on en croit le « like » qu’il a dédié à une publication. Quant au pédigrée politique du taulier et de ses réseaux, on retrouve à leur actif « l’affaire Clément Méric » le 5 juin 2013 ; un drame dont l’intrigue était parfaitement connue par le président de « la Horde Sequane » depuis cinq ans à l’époque, celui-ci ayant ironisé sur son décès le 13 juillet 2013. La démonstration s’achèvera par une pose photo sur place, cliché publié deux jours plus tard sans oublier les « identifications » ni l’ajout d’un « merci à Serge et aux Praetorians pour cet accueil ! »

Une proximité peut-être due à certaines fréquentations, dont celle du dénommé Nicolas Bidoli. Alors membre des « JNR » formant la garde rapprochée d’Ayoub, c’est aussi un fan de métal qui s’est produit avec le batteur de « Myrkvid » au sein de « Hasserben » et « Caterva Runa ». Mais pas seulement. Il jouait aux gros bras pour le compte d’Alain Thievent lors de ses deux festivals 2012, la communication indiquant que « l’équipe de sécu WS sera là pour veiller au bon fonctionnement de cette journée » alors que lui « et ses amis » furent effectivement remerciés pour « la sécurité et le soutien ». WS, c’est pour « Werwolf Sequania » ; un groupuscule néonazi, mis en cause dans de multiples tabassages dès avril 2012 dont Bidoli fut soupçonné d’en être le chefaillon.

À propos de sa virée en Picardie, Alain Thievent concède : « Ceci concerne le groupe dont je fais partie, en aucun cas la Horde Sequane. Nous savions en gros que [Serge Ayoub] était un ancien skinhead, mais cela ne nous regarde pas. On nous a engagé pour jouer, comme ça peut l’être n’importe où ailleurs. Nous avons honoré notre contrat, ce fut notre seule et unique représentation là-bas ». Quant au concours des « Werwolf Sequania », le président expose : « Il [Bidoli et sa bande] nous a proposé son aide pour effectuer la sécu., ce que nous avons accepté, bien malheureusement au final, puisque j’ai terminé la journée aux mains avec certains, refusé à d’autres l’accès à cause de tee-shirts douteux… Cette équipe, elle est devenue indésirable pour nous ».

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Photographie à la suite d’un concert au local de Serge Ayoub, le 12 décembre 2015; Alain Thievent est présent, à l’extrême-droite – capture d’écran.

Sequane Fest : intrigues et rétrospectives.

Alors que les percées réactionnaires dans la musique sont longtemps restées tacites, un collectif de passionnés s’est constitué afin de dénoncer cette présence et ses conséquences. Mais malgré la vive polémique comtoise suscitée en 2022, la treizième édition du « Sequane Fest » a pu se tenir les 30 septembre et 1er octobre 2023. Pour les principaux partenaires que sont la ville de Montbéliard et « l’Atelier des Môles », les doutes n’étaient alors pas suffisamment étayés pour aller plus loin. Un souci singulier de la préservation, alors qu’en parallèle le « Winter rising Fest » à Bessancourt était suspendu pour des motifs rigoureusement analogues. L’unique déconvenue notable ayant été le retrait de « Mercyless », seul groupe qui n’avait fait l’objet d’aucune mise en cause.

Pour les autres, le spectacle a continué. Ainsi « Exutoire » et son chanteur-guitariste Julien R. dit « Apathy » étaient de la partie, nonobstant ses apologies du film de nazisploitation « Ilsa, la louve des SS » ou du dessinateur d’extrême-droite Marsault. Même destin pour « Heinous » à travers Thibault L. alias « Panzer Hraesvelg Faust », dont les penchants pour la « révolution nationale-socialiste » ou la « division Charlemagne » étaient visibles sur ses vêtements. Pas plus de changements avec « Wiskey Ritual » et trois de ses membres, Andrea P., Andrea A. et Gianmarco R., passés par un « Forgotten Tomb » dont l’album « Obscura Arcana Mortis » sorti en 2000 utilisait l’image de centres de mise à mort nazis et fut autoproduit sous le label « Treblinka productions ».

Une série 2022 à laquelle s’ajoutent les années précédentes… Comme en 2011 avec « Aosoth » malgré l’étalage d’aspirations ésotériques néonazies (en ayant rendu hommage à « l’ordre des neuf angles », par le titre « The Bond of Nine Angles » en 2002) ; en 2014 avec « Horna » alors que son fondateur « Shatraug » avait loué le IIIe Reich (extrait d’une interview, en 2001 : « À mon avis, le national-socialisme signifie la fierté de son héritage et de son pays, la foi en ses frères d’armes et des valeurs qui excluent toutes les influences et religions étrangères ») ; ou en 2017 avec « Impaled Nazarene » en dépit de plusieurs morceaux particulièrement haineux (« total war – winter war » en 1994, « zéro tolérance » en 2000, « Riskiarvio » et « martial law » en 2014…).

La formation « Taake » et son leader « Hoest » ne sont pas en reste, alors que des dérapages graves furent là encore documentés : Incarcérations de membres pour agressions, reprise d’une croix gammée sur scène en 2007, paroles nationalistes et islamophobes dans l’album « Noregs Vaapen » en 2011, etc. Énième manque d’information ou de curiosité, toujours est-il qu’Alain Thievent convie l’ensemble pour le « Sequane Fest » de 2012 ; une invitation d’ailleurs réitérée en 2019, cette fois sous la bannière du « Forest Fest ». Cette scène est toujours proposée par la « Horde Sequane » à partir de 2011, mais chez nos voisins helvètes… Un cadre bucolique avec camping et restauration, la cabane forestière de Chevenez revêtant bien l’idéal du Jura suisse.

Le chanteur « Hoest » de « Taake Essen » en mars 2007, arborant une croix gammée sur son torse lors d’un concert en Allemagne – archive.

Dans les valons suisses, un second bébé

Mais concernant le cursus des artistes, l’ambiguïté persiste. On retrouve aussi « Sekhmet » en 2016 (avec des citations racialistes et antisémites, notamment via les titres « čistá krev » – pur sanget « zyklon B » en 2006), « Forgotten Tomb » en 2019 (évoqué ci-avant), ou encore « Blåkulla » en 2021 (dont le meneur se surnomme « S.B.E. » pour « Swastika Bearer Eternal » – éternel porteur de croix gammée -, entre diverses reprises comme « dernier bastion blanc » de « Seigneur Voland » en 2013 ou des chansons telles que « Hermann [Göring] The Great » en 2019). Mais alors que Alain Thievent et son entourage s’étonnaient du scandale de 2022, bien des indices éclairent sur leur perception manifeste des tensions qu’auraient pu déjà entraîner ce type de sélection.

Ainsi le Président de la « Horde Sequane » avait été avisé des problématiques liées à « Sekhmet » avant de le faire venir en 2016, le même Nicolas Bidoli décrit comme « indésirable » depuis 2012 l’ayant renvoyé sur un site énumérant les points jugés litigieux ; Mais son compère n’en tiendra aucun compte, limitant tout retour à « soupir… pas d’autre argument ? » Une témérité qui culmine de façon encore plus parlante en 2019, toujours sur Facebook, lorsque une bénévole du staff semble s’esclaffer de l’absence de retombées suite à une programmation : « Si tu me dis ça par rapport à l’annulation d’Hexen au WRF [« Winter rising Fest »] et le fait qu’Alain ait booké Necroblood cette année, ben, on a eu aucun problème avec la mairie ou des mails d’antifas, il me semble ».

Sur l’article du 27 septembre 2022, Alain Thievent maintient que l’enquête n’était pas probante. « [Ils] citent le groupe Sotherion, du fait du passage d’un des musiciens dans Antaeus par le passé, groupe dont un ancien membre a été impliqué dans une affaire de meurtre. Ce lien ne saurait exister, puisque le guitariste de Sotherion n’a jamais croisé l’autre individu dans Antaeus, tous deux présents dans le groupe à des périodes différentes. Les agissements d’un ancien membre ne peuvent en aucun cas incriminer le groupe lui-même ou ses autres musiciens, passés ou futurs ». Un argumentaire surprenant, car si le « collectif anti-NSBM Franche-Comté » avait bien ciblé cette formation, le média « radio BIP » n’avait pas repris la charge, notamment pour ces raisons.

Pour le reste, l’associatif motive ses décisions : « Les groupes cités n’ont jamais été “problématiques”. Tous ces groupes se sont produits et se produisent encore dans le monde entier, et sur les plus grands événements connus, et font régulièrement des tournées, et cela n’a jamais gêné qui que ce soit. Donc nous ne comprenons pas pourquoi chez nous, ça donne lieu à des levées de boucliers, et chez les autres, il n’y a aucun problème ! » Mais confronté à une illustration concrète avec « Blåkulla », il assure : « Nous ne connaissions pas ce groupe, engagé sur candidature. Dans leur cas, rien ne laissait présager qu’ils transmettaient ce genre de message, auquel cas, jamais nous n’aurions signé cet artiste. Donc c’est une pure méconnaissance dans ce cas précis ».

Coeur Du Village De Chevenez
Aperçu du village de Chevenez, en 2011 – Moissons95/cc-by-sa-3.0.

Le début d’un examen de conscience ?

Face à cet ensemble, une réflexion sérieuse et posée aurait pu être diligentée très tôt, afin de vérifier sereinement tant la véracité que la portée de telles allégations. Mais dans un temps immédiat, Alain Thievent fut d’abord animé par un tout autre état d’esprit, préférant les attaques personnelles aux débats de fond… Ainsi, le 27 septembre 2022, un internaute interpelle la « Horde Sequane » sur Facebook, à propos des remous déclenchés ; après quelques échanges, le compte de l’association assène : « Tout est inventé et monté avec des photos choc qui n’ont aucun rapport, pour choquer et interpeller le lecteur. Cet article est rédigé par des ignares, et qui usent de moyens douteux, rappelant fortement un système contre lequel nos aïeux se sont battus il y’a bientôt un siècle ».

Dans une tribune publiée le 2 octobre suivant, on retrouve les mêmes prologues adjoints de tournures dégradantes, dont celles dénonçant un « torchon rédigé par un “journaliste”, rempli de mensonges ». Certains commentateurs ne se font pas prier pour parfaire le lynchage numérique, tel un certain « Odin Pantocrator » qui nomme l’auteur en le traitant « d’éternelle raclure », de « batracien gluant », ou de « polémiste à deux balles ». Derrière ce pseudonyme s’agite un ancien policier prénommé Pascal, épinglé le 25 mai 2013 pour ses accointances néonazies. Mais au lieu d’assurer son rôle de régulateur, la « Horde Sequane » va au contraire « liker » la prose et ajouter : « C’est bien pour ça qu’on a mis ce terme entre guillemets, par ce qu’il ne l’est pas, journaliste ».

Suite à l’annulation d’un concert de « Eggs of Gomorrh » le 5 octobre 2022, Alain Thievent va également s’en prendre publiquement à un professeur considéré comme nuisible. Dès lors, une solution s’impose : [Alain Thievent] « Tout ça à l’origine d’une seule personne. Bientôt du lourd va sortir, j’ai hâte que tout le monde soit au courant… » ; [Arnaud Ménard] « Je pense qu’il faudrait aussi envoyer le dossier au rectorat qui l’emploie et à la presse locale. Après tout ! » ; [Alain Thievent] Je pense que d’autres s’en chargent déjà, et si ce n’est pas le cas, on va s’y mettre tous pour faire un joli dossier à l’attention de tous… » Pour le fonctionnaire-paysagiste, tous les coups semblaient apparemment permis afin de réduire les opposant·e·s présumé·e·s au silence.

« Il n’y aura ni représailles ni rien du tout » assurait Alain Thievent, lequel rejette tout portrait extrémiste : « Je ne suis définitivement pas un mauvais type, ni un raciste, ni un misogyne […]. Nous sommes des hommes et des femmes de tous horizons, avec même des gens de couleur, si tant est que ça puisse étonner quiconque, un ancien délégué cégétiste, tous réunis pour passer de bons moments, et faire plaisir à un public de passionnés. Juste parfois maladroit, rien de plus. Être également père de famille fait prendre encore plus de recul sur toutes ces choses inutiles, et passées ». Sagesse naissante, ou simple com’ ? L’horizon pacifié de « la Horde Sequane » et de ses partenaires avait été rapidement testé, un énième dossier étant paru le 10 février 2023 sur « Fafwatch ».

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Une performance du groupe « Watain » au « Sequane Fest », le 27 mars 2014 – Vassil/cc-by-sa-3.0. Note : cette formation, pas plus que ses membres, ses chansons ou ses entourages n’ont été mis en cause dans cet article, ce visuel étant présent uniquement à titre d’illustration

Pour la municipalité LR de Montbéliard, c’est silence-radio

Autre réaction attendue dans notre enquête, celle de l’APCRPM (« Association pour la Promotion de la Culture Rock dans le Pays de Montbéliard ») qui gérait « l’Atelier des Môles. » À peine trois jours après le premier pavé lancé par « Fafwatch », celle-ci proclamait que « suite aux derniers éléments portés à notre connaissance, nous avons pris la décision de ne pas accueillir à l’Atelier des Môles le Sequane Fest prévu les 3 & 4 mars prochain [2023] ». « La Horde Sequane » embrayait en quarante-huit heures, dénonçant : « Suite à des pressions d’ordre politique exercées par une organisation d’extrême-gauche sur différents acteurs de l’événement “Sequane Fest XIV” devant se tenir les 3 et 4 mars prochains, La Horde Sequane confirme que le festival est annulé. »

Un dénouement sans appel, qui tranche durement avec les résolutions opérées à partir du 27 septembre 2022. Pourquoi n’avoir pas pleinement considéré cette première alerte, quatre mois plus tôt… Certes balbutiante, mais potentiellement à même d’opérer un électrochoc ; au point de soutenir le festival et son président via un communiqué, alors même que les éléments repris en février 2023 s’avéraient largement accessibles à travers quelques recherches élémentaires ? À cette question, les intéressé·e·s finiront par s’en expliquer : « À la suite du premier article, le conseil d’administration n’a pas jugé les faits suffisants pour annuler les concerts de la Horde Sequane en septembre dernier, les concerts ont cependant été surveillés, aucun problème constaté durant ceux-ci ».

Alors comment interpréter ce revirement, est-il bien le fruit de « pressions » rapportées par Alain Thievent sur sa page Facebook ? « Nous avions également voté l’ajout d’une clause concernant la discrimination dans notre contrat de mise à disposition de la salle à d’autres associations. Dernièrement, les faits remontés à l’encontre d’Alain Thievent étaient différents et ils allaient à l’encontre de cette clause, ce qui a rouvert le débat au sein du conseil d’administration qui a voté, cette fois, l’annulation du Sequane Fest et la mise à disposition de la salle à l’association La Horde Sequane (en l’état) ». Nos interlocuteurs apparaissent en définitive pour le moins clairs quant à cette annulation, assumant en réalité une volonté totalement libre et éclairée de leur part.

Grande absente en septembre 2022 comme en mars 2023, la Ville de Montbéliard est restée totalement mutique. Pourtant sollicitée par nos soins, ni la maire LR Marie-Noëlle Biguinet, ni ses adjoints Christine Schmitt aux associations et Philippe Tissot pour la culture, n’ont souhaité donner des explications quant à la destination d’un site municipal. Tout juste une standardiste se limitera à répéter la ligne-type minimale, à savoir renvoyer l’ascenseur à l’APCRPM désignée comme « seule tributaire de ce qui se passe à l’Atelier des Môles ». Si « la Horde Sequane » et son Président Alain Thievent ont d’abord accusé le coup, ils se sont vite repris ; en Suisse le « Forest Fest » s’est pleinement maintenu en 2023 et 2024, mais sans se départir du même environnement.

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Un membre du groupe « Inferto » au « Fortest Fest », le 9 juillet 2016 – Vassil/cc-by-sa-3.0. Note : cette formation, pas plus que ses membres, ses chansons ou ses entourages n’ont été mis en cause dans cet article, ce visuel étant présent uniquement à titre d’illustration.

Peu de véritables changements en 2024

Persona non grata en Franche-Comté, c’est maintenant à quelques kilomètres à l’ouest que se concentre l’activité de « la Horde Sequane ». Alors que le retour d’un « Sequane Fest » a été annoncé pour les 28 et 29 mars 2025 à Cœuve, la douzième édition du « Forest Fest » vient quant à elle de se tenir du 12 au 15 juillet. Cette année, la programmation fut certes moins polémique, même si des critiques fortes existent encore concernant les groupes « Black Altar », « Omegaternum », « Ancient Rites », « Necrowertch », « Merrimack », ou encore « Aorlhac » déjà exposés ci-avant. Pour le reste, si l’organisation s’est fendue d’une note invitant le public à bannir les idées politiques ou à rester chez lui, bien des apparitions s’opposent à ces desseins louables.

C’est le cas avec les stands alloués aux labels, dont l’un était par exemple tenu par « Hypogea Invictus » ; une association gérée par Camille S. et Quentin A., deux individus ne cachant pas leurs ancrages identitaires et distribuant divers produits NSBM. C’est notamment le cas de titres de « Autarcie », dont un certain Olivier Bidoli, frère du fameux Nicolas Bidoli, en est la principale figure tutélaire. Parmi les heureux acheteurs, le dénommé Alexandre S. ; sa présentation Facebook le dépeint comme aimant le « black métal » et le « NS » [national-socialisme], ce qui ne l’empêchera pas de se prendre en photo avec Alain Thievent. Un compagnonnage accablant, qui s’inscrit encore avec le chanteur de « Baise ma Hache » Rose H. ou le néonazi Maxime D.

Sur les comptes-rendus et clichés de l’événement, on retrouve aussi et surtout une multitude de participant·e·s, promouvant à travers des tee-shirts ou des patchs visibles des groupes tendancieux (Burzum, Taake, Satanic Warmaster, Mgla, Morte France, Graveland, Peste Noire, Moonblood, Seigneur Voland, Goatmoon, Kristallnacht, M8L8TH…) et des symboles très explicites (croix de fer, soleil noir, totenkopf, BM against antifas, edelweiss…). Même sous le filtre d’une communication officielle et maitrisée, les consignes données n’auront pas suffi à enrayer l’expression de certaines appartenances. Confronté sur le volet le plus actuel de notre enquête, cette fois Alain Thievent et « la Horde Sequane » ne donneront pas suite à nos questions.

Les litiges relatifs aux concerts politisés se multiplient depuis plusieurs années, comme dernièrement dans les Vosges, en Savoie, ou sur Rhône-Alpes. Une réalité qui n’est cependant pas récente, puisqu’un tel événement avait déjà été interdit en 2011 à Valentigney (Doubs). Ces remous visent toutefois les pendants les plus extrémistes du métal, alors que les festivals feutrés et même populaires ne semblent pas davantage toujours exempts de telles dérives ; institution d’envergure européenne, le « Hellfest » est ainsi régulièrement pointé du doigt quant à la présence de groupes et de festivaliers nettement marqués à l’extrême-droite. Une étiquette qui colle à la peau de ce genre musical, mais qu’un nombre croissant de fidèles souhaite endiguer.

 

Exemple d’un bomber porté par un participant, incluant de multiples symboles (soleil noir, totenkopf, croix de fer, black metal against antifa) et références musicales (« Burzum », « Kristallnacht », « Seigneur Voland », « Graveland », « Moonblood », « Goatmoon » ou encore « Peste noire »). Le tee-shirt est à l’effigie du groupe de rock « Armageddon » et son album « trumpets of a christian holocaust » – capture d’écran.

Boîte noire

Alain Thievent pour « la Horde Sequane » a été sollicité par nos soins, échangeant une première fois du 6 au 10 février 2023 par de longs écrits exposant ses réactions quant à l’essentiel de cet article. Souhaitant le confronter aux nouveaux éléments portant sur la douzième édition du « Forest Fest » en juillet 2024, il n’a, cette fois, jamais répondu à notre demande, formulée dans la nuit de lundi à mardi. « LAssociation pour la Promotion de la Culture Rock dans le Pays de Montbéliard » responsable de « l’Atelier des Môles » a également été jointe avec succès, du 20 février au 1er mars 2023. Enfin la ville de Montbéliard, notamment à destination de l’adjointe aux associations Christine Schmitt et de l’adjoint à la culture Philippe Tissot, a été contactée, sans jamais de suite, les 8 et 9 février 2023.

 

Photographie d’en-tête : concert du groupe metal polonais « Besatt », lors du « Sequane Fest » du 5 mars 2016 – Crédit : Vassil – cc-by-3.0. Note : cette formation, pas plus que ses membres, ses chansons ou ses entourages n’ont été mis en cause dans cet article, ce visuel étant présent uniquement à titre d’illustration.