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Offrant un soutien aux familles nécessiteuses depuis plus de quinze ans, « SOS Futures Mamans » à Pontarlier s’est imposée comme une vénérable référence. Mais derrière la façade associative, les convictions religieuses ne sont pas loin. D’inspiration chrétienne, les réserves de la structure quant à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) restent flagrantes. Sans l’assumer, du moins ouvertement. Une question fâcheuse jamais posée, grâce à un réseau local fort et des relais médiatiques bienveillants. Au contraire de Besançon, où l’antenne vient de fermer après des années de polémiques et d’isolement. Second volet de notre enquête.

À Pontarlier, le succès d’une belle vitrine associative
Le 19 décembre 2006 à Pontarlier, la première extension française de « SOS Futures Mamans » prenait racine. Officiellement, il s’agit d’une association venant en aide aux parents, prochains ou effectifs, qui rencontrent des difficultés morales, matérielles ou financières, sans le moindre caractère confessionnel ou politique. Dans son dernier compte-rendu de fonctionnement paru en 2019, la structure annonce ainsi avoir soutenu 85 familles grâce au concours d’une dizaine de bénévoles. Aussi sur les 13 414 euros de dépenses annuelles détaillées, 10 000 s’avèrent assurées par l’organisation catholique des « Œuvres hospitalières françaises de l’ordre de Malte ».

Une implication décisive du spirituel, loin de se limiter aux aspects pécuniaires. La présidente, M.C. V., la secrétaire et trésorière, F. G., comme la vice-présidente, G. I., sont toutes aussi actives au sein de leur « Doyenné du Haut-Doubs Forestier », y officiant à la coordination pastorale, à la catéchèse ou à la préparation du baptême. D’autres, simples membres du comité, disposent même de ministères, comme H. S., pasteure de la congrégation mennonite. Un ancrage marqué, qui se traduit sous le sceau de la diaconie comme lors de collectes de janvier à mars 2024 ou à l’occasion d’interventions dont une en pleine messe de Carême le 21 avril dernier à Ouhans.

Mais, à travers une vingtaine d’articles et citations, le canard « l’Est Républicain » entretient localement une image d’Épinal. Au-delà de l’onction accordée par un Diocèse friand d’une « œuvre au service des mamans et de la vie naissante », cette communication laïque permet surtout de se prévaloir d’un label institutionnel et grand public à même de gagner l’ensemble de la population. En 2017, quelques lignes s’hasarderont bien à aborder timidement les fondements pieux de la maison-mère, mais en dédiant le contenu d’une telle interrogation au seul point de vue de la présidente. Un traitement fort charitable, qui relève davantage de la propagande que du journalisme.

Sos Futures Mamans Pontarlier Est Républicain
« L’Est Républicain » a cité l’antenne « SOS Futures Mamans » de Pontarlier dans une vingtaine d’articles depuis 2012, dont voici un échantillon uniquement numérique. Exclusivement présentée de manière laudative, l’association n’a jamais été confrontée aux doutes pesant sur ses positions quant à l’IVG – montage/captures d’écran.

Une organisation résolument anti-avortement
« SOS Futures Mères » apparaît le 11 septembre 1974 en Suisse, sous l’égide de Conrad et Chantal Clément. Lors d’une interview donnée à « KTO TV » le 7 avril 2017, le fondateur revenait d’ailleurs longuement sur « sa foi chrétienne qui lui a permis de mener ce combat ». Une charte actée le 12 septembre 1998 était logiquement pétrie de cette adhésion, considérant que « la vie est un don du Créateur » et « qu’aucun membre ne pourra conseiller à une maman des moyens mécaniques ou chimiques ainsi qu’une intervention médicale pouvant détruire la vie de l’enfant » car le rôle de l’association est « d’uniquement permettre aux mamans d’assumer leur maternité ».

C’est dans ce cadre que l’antenne de Pontarlier a été initiée, par les mêmes responsables qui la dirigent encore aujourd’hui. Et si ces dispositions ont été remplacées par des préconisations beaucoup plus généralistes et lisses le 2 novembre 2019, après cinquante ans de bons et loyaux services cet état d’esprit demeure palpable. Sur le site de « SOS Futures Mamans », l’unique grille de lecture de la grossesse est toujours calquée sur la trame des mouvances « pro-vie ». « Ce petit corps qui grandit est aussi un petit être qui évolue déjà avec sa personnalité », « découvrir que l’on porte la vie est une nouvelle occasion de reconnaître que la vie est un don » est-il par exemple affirmé.

Un récit destiné à ce qu’un seul choix s’impose, celui de préserver « la vie » de l’embryon à l’accouchement. L’exposé s’achève par cinq prétendus témoignages, unanimes sur la question, tous illustrés via une banque d’images, aux titres évocateurs tels que « enceinte à treize ans » ou « mon IVG un mauvais souvenir ». Une profusion d’autant moins anodine, qu’Internet est devenu la principale tête de gondole de « SOS Futures Mamans ». Ainsi, en tapant « aide maternité Pontarlier », « grossesse Pontarlier » ou « avortement conseil Pontarlier » sur un moteur de recherches, l’association apparaît respectivement en premier, quatrième et cinquième résultat.


Interview complète de Conrad Clément, fondateur de l’association « SOS Futures Mamans », pour l’émission « un Cœur qui écoute » sur « KTO TV », le 7 avril 2017.

Un pied dans le service public
Cette absence criante d’information sérieuse et plurielle se poursuit enfin avec une liste de contacts annexes, conseillés pour des aides complémentaires ; On retrouve ainsi « Emmaüs » et « les Restos du Cœur », afin de meubler et nourrir bébé, mais, étrangement, pas le « Centre de santé sexuelle de Pontarlier », le « Centre Hospitalier Intercommunal de Haute-Comté », ou encore le « Planning Familial ». Peut-être une continuité inconsciente du pacte de 1998, proclamant que « SOS Futures Mamans ne pourra en aucun cas s’associer avec quelque mouvement, groupe ou institutions privées et publiques proposant d’autres solutions que l’accueil inconditionnel de la vie » ?

Mais si les entités assumant leur ouverture sont encore exclues, ce n’est toutefois plus le cas des administrations comme l’ADDSEA, le CMS ou la CAF. Ces appareils ont-ils connaissance des orientations de « SOS Futures Mamans », si oui l’indiquent-ils aux bénéficiaires ? Dans les documents consultables, les militant·e·s de la cellule pontissalienne ne franchiront certes jamais le Rubicon d’une opposition frontale à l’avortement. Tout juste les « bulletins de l’amitié » formuleront quelques bondieuseries, à l’instar de la présidente qui récemment encore louait « la Providence » et remerciait le curé de sa paroisse pour la fameuse collecte de denrées au sein des supermarchés.

Néanmoins, ainsi que l’a elle-même reconnu M.C. V. dans « l’Est Républicain » du 24 mars 2017, « en Suisse, le rapport à la religion est, disons, plus détendu qu’en France ». Pas au point de jouer totalement franc-jeu bien sûr, mais effectivement la dialectique y est parfois un peu moins verrouillée. Ce que dévoile notamment les écrits de C. M., responsable de la section Jura/Prévôté, stipulant, le 1er juin 2021, que l’avortement est un « traumatisme », un « choix terrible », un « moment si douloureux de la vie », regrettant que « ces jeunes femmes [ayant recours à l’IVG] n’aient pas connu et appelé notre association » pour concrétiser ce « cadeau de la vie ».

Sos Futures Mamans Pontarlier Témoignage
Les photographies du site de « SOS Futures Mamans » montrent presque systématiquement des bambins rayonnants et fixant l’internaute du regard, afin d’accompagner de prétendus témoignages unanimes quant à leur vision de la vie. Exemple avec l’illustration relative à l’histoire intitulée « mon IVG un mauvais souvenir », qui justement expose le soi-disant récit d’une mère de trois enfants… Laquelle a dû faire face à une fausse couche puis à un avortement, dépeignant cette dernière expérience comme un traumatisme ayant ruiné sa vie. Aucune possibilité de vérifier l’origine et la crédibilité de cette narration, mais le cliché utilisé apparaît avoir été utilisé plus de trois cents fois sur le web ce qui pourrait trahir l’usage d’une banque d’images – capture d’écran.

100% traditionaliste, l’antenne bisontine vient de disparaître
Cette logorrhée n’est pas inédite, puisqu’elle fut aussi professée à Besançon ; dans la capitale comtoise, une seconde émanation de « SOS Futures Mamans » fut actée à partir du 17 octobre 2011. Là encore, des doutes sont rapidement apparus quant à la nature de l’œuvre, l’entretien filmé d’un blogueur le 21 décembre 2012 permettant de révéler des allocutions sans ambiguïté : « [l’avortement] ce geste qui traumatise profondément », « on va vous dire au maximum de garder cet enfant car on est là déjà pour ça », « on essaie au maximum de promouvoir la vie », « on n’a pas le droit de tuer une vie », ou encore « en principe un couple c’est quand même fait pour avoir des enfants ».

Participation à la « marche pour la vie », collaboration avec « Alliance Vita », rencontre avec une responsable du pôle famille au diocèse, ont largement confirmé les soupçons. Mais l’emprunte de la « Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre » (FSSP) était surtout alléguée, la présidente M. Y. étant une cadre notoire de cette tendance traditionaliste. En retrouvant la dernière composition du bureau, nous sommes en mesure de pouvoir confirmer que les six adhérentes référencées étaient toutes liées à cette dénomination. Le secrétariat étant dévolu à G. L., épouse du lepéniste Thomas Lutz et candidate aux municipales de 2020 sur la liste RN de Jacques Ricciardetti.

Dans un encart nommé « droit à la vie » publié au bulletin de janvier 2019, la FSSP soutient un positionnement farouchement hostile à l’IVG. Dans ses conclusions, l’abbé B. L. invite également ses ouailles : « Si ce combat pour la Vie vous tient à cœur, cet édito ne vous suffira pas […] Il vous faudra songer à vous inscrire à la marche pour la Vie […] ou encore rejoindre l’équipe de SOS futures mamans ». Les cieux n’ont visiblement pas été sensibles à ses prières, puisque l’antenne de Besançon a été dissoute le 24 janvier 2023. Sans que cette disparition ne soit annoncée où que ce soit, « SOS Futures Mamans » se limitant à retirer toute mention de son site.

Besancon Ste. Madeleine Innen Langhaus Ost 4
Nef de l’église Sainte-Madeleine, siège de la « Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre » (FSSP) – Zairon/cc-by-sa-4.0.

Boîte noire

Sollicitées dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 août par courriers électroniques et la plupart relancées depuis par textos, aucune des principales parties citées dans cette enquête n’a répondu à nos questions. À Besançon, ni « SOS Futures Mamans », ni sa présidente M. Y., ni la secrétaire G. L., pas plus que la « Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre », n’ont souhaité donner suite. L’antenne de « SOS Futures Mamans » à Pontarlier a estimé qu’elle n’était « pas en mesure de répondre ouvertement à des questions qui [lui] paraissent subjectives » tout en restant « ouvert[e] à échanger quant aux sujets qui [n]ous interrogent, ce dans un délai raisonnable ». « Emmaüs » a indiqué que son « seul lien » est « [l’apport de] leurs invendus et textiles usagés » mais qu’à propos « des problèmes internes à l’association » la structure « [n’en est] aucunement informée ».

Aussi alors qu’un changement de présidence était annoncé dans « l’Est Républicain » du 20 juin dernier, cette modification n’étant pas officiellement effective elle ne fut initialement pas mentionnée par nos soins. Mais la nouvelle titulaire, N. P., a bien pris le relais de la fondatrice, M.C. V., cette première ayant répondu à nos demandes. Bénévole depuis octobre 2022 car « [trouvant] des valeurs qui [lui] correspondent », il s’avère que cette adepte de la médecine non-conventionnelle classe l’IVG dans la catégorie de la « mortinatalité » et du « deuil périnatal » ; « Pour aider les femmes qui ont vécu des IVG, des IMG, des morts liées à la maternité » est-il par exemple indiqué sur son site professionnel. Une qualification contraire aux définitions retenues (OMS, INED…), mais en revanche bien présente dans les sphères pro-vie (AGAPA, Écoute-IVG.org…).