Billyfumey01

Comtoiserie c’est comme biscuiterie ; un lieu où se fabrique quelque chose de savoureux qui fond sous la langue. Mais pour la comtoiserie, c’est plutôt sous deux langues. Car oui, richesse culturelle encore trop méconnue, la Franche-Comté a deux langues régionales, le franc-comtois et l’arpitan.

Et pour bien parler les deux langues régionales de la Franche-Comté, il faut savoir bien les situer. Pour cela, une méthode simple, prenons la vallée de la Loue. Elle s’étend d’est en ouest au centre de la Comté, c’est-à-dire des environs de Pontarlier jusqu’aux environs de Dole et elle est ce qu’on appelle une frontière linguistique. Ainsi de part et d’autre de la vallée de la Loue se situe au nord, le franc-comtois ; au sud, l’arpitan. Difficile de définir quand et comment ces deux langues se sont fixées dans l’espace et le temps. Cependant, cette situation linguistique originale est identifiée depuis le début du XIXe siècle.

Alors, depuis les rives de la Loue, en regardant vers le nord et le sud, découvrons-les maintenant !

Le franc-comtois ou frainc-comtous

Le franc-comtois ou frainc-comtous est donc une langue d’oïl, même famille que le français, le picard, le normand, le wallon ou encore le gallo. Le franc-comtois est la langue du Nord Franche-Comté, son aire linguistique que l’on nomme la comtophonie intègre donc le nord du département du Jura, le département de la Haute-Saône, le nord du département du Doubs et le Territoire de Belfort. Cependant, la comtophonie ne se limite pas qu’à la Franche-Comté, elle intègre aussi en Alsace 12 communes et en Suisse le Canton du Jura, 3 districts du Canton de Berne et une commune du canton de Neuchâtel, le Cerneux-Péquignot. Aujourd’hui, difficile d’évaluer le nombre de comtophones faute de recensement, probablement plusieurs centaines, cependant un chiffre officiel, 76 ou plutôt septante-six, c’est le nombre d’élèves inscrits dans les cours du soir en franc-comtois en Suisse en 2022.

L’arpitan

L’arpitan, appelé francoprovençal ou savoyard, c’est la langue régionale du sud Franche-Comté puisqu’en effet, son aire linguistique comprend les suds des départements du Jura et du Doubs. Au-delà de la Comté, l’arpitanophonie s’étend en Suisse sur les cantons de Neuchâtel, de Vaud, de Genève, de Fribourg et du Valais. C’est d’ailleurs dans les Alpes que vivent aujourd’hui majoritairement les quelques milliers d’arpitanophones, dans la vallée d’Aoste en Italie et en Savoie. En marge de ces pays du Mont Blanc, l’espace linguistique arpitan inclut en France le nord du Dauphiné, le Lyonnais, le Forez, le Beaujolais, le sud de la Bresse dont la région de Louhans en Bourgogne, le Bugey et le Pays de Gex entre autres. Avec une telle diversité territoriale, géographique et culturelle, la langue arpitane est connue pour ses nombreux dialectes dont l’arpitan comtois en phase de disparaître si rien n’est fait.

Mais alors, comment différencier ces deux langues ?

Pour simplifier, disons que l’arpitan a longtemps été considéré comme une langue d’oc et a conservé la prononciation de la voyelle finale pour la majorité de ses mots (la dzeurna = la poule ; l’houmou = l’homme ; lès vatsès = les vaches) avec en plus une surabondance des sons “dze” et “tse”. De son côté, le franc-comtois a perdu cette habitude et la voyelle finale de ses mots est devenue muette comme en français (lai dgerenne = la poule : l’hanne = l’homme : les vaitches = les vaches) avec en plus une surabondance des sons “tche” et “dje” ou “dge”. Par exemple, le mot vache présent dans les exemples fournis présente parfaitement ces différences. Cela peut faire sourire d’imaginer un alpage comme celui du Mont d’Or où les armaillis francs-comtois dans leur chalet parlaient une langue proche de l’italien… Ce fut pourtant une réalité pendant des siècles avant un déclin rapide à la fin du XIXè siècle et où, malheureusement, peu de choses on été faites pour l’enrayer.

Justement, Le Ch’ni propose de le faire et c’est une initiative rare pour un média franc-comtois.

Voilà, les grandes bases sont posées, les grandes lignes sont tirées pour comprendre au mieux la grande histoire de ces deux langues populaires et leurs liens si intimes à la Terre. Alors, depuis les rives de la Loue, en regardant vers le nord et vers le sud, mais aussi finalement partout et tout autour de la Comté, nous arpenterons ses paysages où sont nés des vocabulaires, des noms de communes, des prénoms. Nous aurons l’occasion de découvrir tout cela et cela vaut bien un biscuit de Montbozon !

Image d’illustration : Billy Fumey en concert, le 10 septembre 2016 à Nans-Sous-Sainte-AnneAuvé73/cc-by-sa-4.0.