Remettre de la poésie dans l’ordinaire d’un quartier populaire comme Planoise… Depuis le 7 juin, l’exposition Entre les lignes s’affiche au premier étage de la maison du quartier grâce à une série de clichés de la cité populaire ainsi qu’à des textes mis en forme à partir des paroles d’habitant·e·s qui y vivent.
Souvent traitée par les médias traditionnels sous le prisme du fais divers, Planoise et ses dizaines de milliers d’habitants souffrent d’une réputation peu commune. Pour aller au-delà de la représentation médiatique et pour voir ce qui n’est pas probant à première vue, quoi de mieux que de donner véritablement la parole aux habitant·e·s ? Et justement, des séances de paroles ont été organisées par la Ville de Besançon afin que celles et ceux qui vivent à Planoise puissent poser des questions aux institutions lors de réunions. Des temps de paroles publiques et auréolés de pudeur qui laissent peu de place à la parole personnelle et intime, loin des éventuelles considérations et jugements.
Pour libérer cette expression trop souvent enfermée entre les murs des logements sociaux, la maison de quartier Nelson Mandela accueille depuis le 7 juin dernier une exposition. Une fois arrivé au premier étage de la maison de quartier, des photos et des textes exposent une partie de l’âme du quartier. Sur l’un des clichés on peut retrouver ce qui semble être le parc derrière la place Cassin, des habitants sont assis. La photo est en noire et blanc excepté le t-shirt d’un bleu vif d’une des personnes présentes. Cette mise en valeur colorée sur la photo est peut-être une manière de montrer que pour comprendre ce quartier, il faut aller chercher les détails, aller au delà des apparences et sur-ligner la nuance. « C’est le moment de rappeler sans courber le dos et sans baisser les yeux que dans ce quartier…on peut être heureux ». Autre cliché : celui de deux ouvriers en bâtiment habillés en blanc et attachés qui rénovent un immeuble : « on dirait un ballet, de toutes petites silhouettes dont on ne voit que le dessus… » Au total, une trentaine de photos racontent ainsi, non sans une certaine poésie, la beauté de l’ordinaire.
Les textes, eux, ont été mis en forme par le metteur en scène bisontin Sébastien Barberon à partir de la population, comme il nous l’explique: « Chaque parole transpire à travers tous les textes. Chaque habitant·e avec qui j’ai pu m’entretenir individuellement a pu s’exprimer sur plein de sujets et l’idée c’était de trouver des croisements, des similitudes entre ce qui était raconté par chacun·e et la production finale que j’ai mise en forme. »
Loin des clichés habituels, la réalité de ce quartier populaire de Besançon est donc plus complexe qu’elle n’y paraît et c’est ce que souhaite montrer l’exposition Entre les Lignes. Comment les habitant·e·s dans leurs différences partagent des rêves, des espoirs et des préoccupations communes, quels que soit leur âge, leur origine et leur genre ?
« Il y a un esprit Planoise, comme il y a un esprit Battant »
Étiqueté Quartier Politique de la ville comme cinq autres secteurs à Besançon, Planoise n’a rien à envier aux autres : « Les habitant·e·s aiment leur quartier et le défendent quoi qu’il s’y passe parce que c’est leur bout de terrain, c’est leurs familles, c’est leurs repères… »
Le quartier de Planoise existe depuis les années 1950, où les premières barres d’immeuble ont été érigées dans les champs. Dès le départ, Planoise est pensé comme une ville moderne avec toutes les commodités dont peut disposer les différents logements. C’est plus tard dans, les années 1980, que Planoise est classé Zone à Urbaniser en Priorité (ZUP) et Zone Urbaine Sensible (ZUS). La cité traverse alors d’importants problèmes économiques et sociaux, jusqu’à devenir en 2018 un quartier de reconquête républicaine (QRR). Malgré tout, les habitant·e·s interrogé·e·s pour les besoins de l’exposition restent attaché·e·s à leur quartier. « Il y a ici une notion de territoire dans le sens primitif du terme et pas politique, c’est leurs lieux de vie où ils habitent et certains y sont investis très profondément ».
Cet attachement, Sébastien Barberon l’explique aussi par sa géographie et son histoire singulière. « C’est une grande cité populaire, Les gens la traversent très librement et ils n’ont pas peur parce que c’est un lieu avec une histoire particulière avec de la mixité sociale et culturelle ».
« Marre du trafic de stup’ ! »
Pour autant, ce qui ressort également des trente entretiens menés par le metteur en scène, c’est que les Planoisiennes et les Planoisiens interrogé·e·s ressentent aussi une grande lassitude quant au trafic de stupéfiants qui gangrène les rues : « Il y a un ras-le-bol de devoir faire attention à chaque fois qu’ils ou elles sortent et passent devant un point de deal trop tardivement ». Au-delà des problématiques d’insécurité, il y a aussi la question de la réputation que cela fait au quartier.
Conjointement, cette image qui émane de Planoise en raison du trafic de drogue fatigue aussi ses habitants : « J’ai ressenti au cours de ces entretiens que les habitant·e·s interrogé·e·s en avait marre aussi que leur quartier soit toujours enfermé dans le cliché d’une cité populaire dangereuse où règne l’insécurité ».
L’exposition entre les lignes parviendra peut-être à son échelle à casser cette image de marque, qui colle à la peau de Planoise. C’est pourquoi les clichés et les textes ont vocation à sortir du quartier pour migrer, vers d’autres parties de la ville de Besançon voire peut-être en dehors. L’exposition est toujours disponible gratuitement au premier étage à la Maison de quartier de Planoise, jusqu’au 6 juillet prochain.