Cette année marque les quarante ans du Planoise Karaté Academy, nous sommes donc allés à la rencontre d’Aly Yugo, président de l’association sportive et véritable institution dans le quartier de Planoise. Celui qui est aussi élu au département entend faire bouger les lignes, par son engagement associatif mais aussi politique. C’est le portrait du mois.
« Prends les clés , on y va ! » lance Aly Yugo à Abdelkader, bénévole au PKA devant la salle où la cérémonie des ceintures suit son cours. « Hachiji Dachi ! Kiba Dashi ! Kosa Dashi ! » Un cri maitrisé retentit de la bouche d’un des licenciés dans la salle de sport. Depuis le hall, Aly Yugo (Aly comme beaucoup l’appelle à Planoise) veille au bon déroulement des tests de niveau tout en gérant les appels téléphoniques divers et en s’organisant pour préparer la fête après l’examen de karaté. Pas le temps de s’arrêter, il faut maintenant aller chercher tous les ingrédients d’un barbecue réussi. Et c’est à Planoise que ça se passe : le pain, les boissons et la viande notamment seront achetés dans des boulangeries, commerces et épiceries situés dans le quartier. Mais avant, Aly et les bénévoles s’activent encore un peu entre le hall d’entrée, la salle de sport et la réserve.
À côté, habillés de Kimono et de ceintures aux diverses couleurs, certains enfants s’inclinent devant un jury d’adultes avec respect et discipline. Les autres sont assis, attendent leur tour non sans une certaine impatience. Le tatami sur lequel les jeunes karatékas se trouvent occupe une grande partie de la pièce. Autour, des mamans, des papas, des petits frères ou des petites sœurs… Beaucoup sont venus encourager leurs enfants ou leurs proches, en ce 39ème passage de ceinture au PKA. Une sorte d’examen, pour déterminer si les karatékas en herbe sont dignes de passer à l’étape supérieure… Mais pour Aly, il est enfin temps de partir. À l’extérieur, des gamins abordent le président du Club : « Aly ! Aaaaly ! » crient-ils de toute la force de leurs poumons, les yeux qui brillent comme des paillettes… Après un bref échange avec les petites recrues du Planoise Karaté Académy, Aly s’en va pour rejoindre à quelques centaines de mètres la cité populaire de Planoise. Ainsi débute la matinée pour cette figure incontournable du quartier.
Aly Yugo et le Planoise Karaté Academy
Comprendre le parcours d’Aly Yugo vers l’engagement et la politique, c’est nécessairement aborder l’histoire du PKA, l’association sportive de Karaté de Planoise. « Le club à la base est la création de plusieurs karatékas africains qui souhaitaient continuer à enseigner cet art martial à Besançon » raconte son actuel président. Lui-même arrive au PKA en 1988 soit 4 ans après sa création. Ce qui l’intéresse déjà à l’époque c’est la possibilité de lancer un projet d’éducation par le sport, ou dit autrement la formation des citoyen·nes grâce à la discipline et au sens de l’effort exigés par le Karaté : « Plus tard, j’ai été me former à l’IRTS, je voulais être autre chose qu’un champion de Karaté…. Je voulais aller au delà du Karaté. C’est pourquoi au sein de l’association, nous nous sommes développés vers la pratique du sport à vocation sociale ».
À son arrivée à Besançon depuis le Burkina Faso, il rejoint le PKA dont l’un des fondateurs est son frère aîné, Omar. La ville de Besançon sonnait donc comme une évidence pour Aly, car la ville a déjà accueilli un membre de sa famille dans le cadre de ses études universitaires. Il s’attache plus particulièrement au quartier de Planoise où il va grandir, mûrir et apprendre à « être un spécialiste du lien social » comme il l’explique. Peu à peu Aly va comprendre la dureté des rapports qui existent entre monde associatif et le monde politique. Un passage compliqué pour lui qui aura duré une quinzaine d’années : « Le lien a été créé par l’impression d’être important dans certaines périodes et par la suite plus rien. » explique-t-il. Il dit aussi se souvenir que certains politiciens l’abordaient avant les élections pour profiter de sa légitimité à l’égard des habitants de Planoise : « Une fois passé cette période…il n’y avait plus personnes ».
« À Planoise, tout le monde connait Aly »
Arrivé place Cassin ce samedi 22 juin, Aly Yugo est dans son élément. Il est chez lui et ça se voit. Difficile de faire cinquante mètres sans qu’un·e planoisien·ne ne vienne vers lui pour le saluer, lui serrer la main, lui donner quelques nouvelles. Devant le stand de fruits et légumes du marché, une discussion animée entre les vendeurs. Ce dernier désigne une militante du Nouveau Front Populaire au loin : « Je la connais mais même pas, elle vient me dire bonjour ! ». Aly va donc la voir et la ramène de suite, pour dissiper le malentendu. Une fois la glace brisée, ça se met à discuter politique, municipalité, respect et vie au quartier.
Une notoriété et une légitimité incontestable, auprès de pas mal d’habitants du quartier. La question devait bien tomber à un moment : « Pourquoi tu t’es pas présenté aux prochaines législatives Aly ? » lui demande on. Ce à quoi il va répondre sans trop développer : « C’est compliqué ». Et d’ailleurs il n’est pas temps de faire campagne mais de retourner à la Malcombe avec toutes les victuailles pour célébrer dignement ce 39ème passage de ceinture…
Plus d’une centaine de licencié·e·s et d’adhérent·e·s
Si Aly représente bien l’image du PKA, l’exécution de ce grand projet d’éducation citoyenne par le sport « revient largement aux bénévoles de l’association » comme il le souligne sans problème. Parmi tous ces bénévoles, il y a le coach Seye More. Grande carrure qui force le respect de toutes et tous, à en juger par les applaudissements du public lors des remerciements aux différentes membres du Club : « Je suis coach principal du club. J’ai tous les groupes, je suis là-bas du lundi au vendredi. Le PKA aujourd’hui je peux dire que c’est comme un club que j’ai crée moi-même, où j’ai été formé et ou j’ai formé d’autres jeunes ».
Le PKA a en effet formé en cette seule année 2023-2024 plus d’une centaine de licencié·e·s. Pour ces jeunes souvent venu·e·s de Planoise, le club a su leur apporter une discipline, un sens du respect et de la rigueur : « Ça fait un an que je suis au PKA. Cette année s’est très bien passé. J’ai trouvé dans ce club du sérieux et un vrai cadre » explique Houdhayfa, un ado âgé d’une quinzaine d’année et déjà ceinture bleue. Actuellement, le Club sportif compte une centaine de licenciés dont 40 filles et 67 garçons. Ces dernières serait représentée à plus de 40 % au PKA, une bonne moyenne. À titre de comparaison en 2023, 33% de filles étaient inscrites dans le Judo en France.
