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En survolant les titres consacrés par les principaux médias locaux, on découvre une profusion de superlatifs : « Un fabuleux voyage » (France 3), « l’apogée d’une journée fabuleuse » (l’Est Républicain), « un beau rassemblement interculturel » (Plein Air). Se transformant en relais des institutions organisatrices autant que de la flamme, les faiseurs d’opinion se sont surtout attachés à encenser l’épopée comtoise du passage olympique. Sans fausse note, ou presque. Plongé dans ce « monde des bisounours » dixit un journaliste, les bévues, critiques, protestations, abondantes, ne devaient pas (trop) entacher le roman.
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« JO = pollution, répression, expulsions »

Dès 18h00 sur le parvis de la gare Viotte, des militant·e·s du syndicat « Force Ouvrière » s’activent. Une banderole « des milliards pour les JO, rien pour les prolos » est déployée, dénonçant le choix budgétaire opéré par les différentes administrations. Afin d’assurer cette journée, le ticket d’entrée et les frais de fonctionnement ont en effet coûté la bagatelle de 500 000 euros, ainsi que le détaille France 3 Franche-Comté. « Les services publics sont en lambeaux, les salarié·e·s du privé et du public sont écrasé·e·s, les gens ne parviennent plus à finir le mois… Non, aujourd’hui beaucoup ne festoient pas ! » dépeint Frédéric Vuillaume, référent FO pour le personnel des lycées.

D’autres voix analogues se succèderont le long du parcours, de la place du Huit-Septembre via une bâche « JO = pollution, répression, expulsion » jusqu’à la Gare-d’Eau lorsqu’une quinzaine d’activistes ont exprimé leurs désaccords sur des tee-shirts. « L’édition 2024, c’est 12 545 exilé·e·s et sans-abris expulsé·e·s, la répression et la mise en danger des travailleur·euse·s du sexe, 3 000 étudiant·e·s dégagé·e·s de leurs logements, un bilan carbone de minimum 1,58 million de tonnes de CO2 soit l’équivalent de 3.10 milliards de repas ou 8,19 milliards km en voiture, l’autorisation de la vidéosurveillance algorithmique » explique ainsi une membre des « Soulèvements de la Terre ».

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La sécurité, à tout prix ?

L’émergence d’actions revendicatives était craintes des autorités, qui ont tout tenté pour les juguler. Déploiement massif d’effectifs policiers, sortie d’un drone, check-points et barrages routiers, mais aussi contrôles préventifs ciblés. À l’image d’une militante féministe qui regagnait simplement son domicile dans le nord de la cité, arrêtée en pleine rue par la BAC à 17h15. « On vous a à l’œil, vous et vos petits copains » lui a lancé un fonctionnaire. D’autres seront immobilisés, comme ce gilet jaune revenant de courses stoppé et isolé à 18h30 Grande-rue par deux uniformes. « Je suis bloqué le temps du défilé, sans avoir rien fait » nous rapporte t-il sous bonne garde.

Les mesures de sécurité se révèleront également drastiques à la Gare-d’Eau, le site réceptionnant le bouquet final de cette date. Ainsi les entrées ont été filtrées, les effets personnels fouillés et les convives palpé·e·s, non sans quelques couacs. « Je suis un homme trans’, je ne savais pas trop où me placer. On m’a demandé de changer de file avec un agent masculin, je n’étais pas à l’aise mais je me suis exécuté. J’ai été touché de partout, jusqu’aux parties génitales. Je n’avais pas été prévenu, puisque visiblement j’ai été le seul à subir cette vérification. Je déplore cette violence et un manque de formation, on doit pouvoir garantir la dignité de toutes et tous » s’insurge un visiteur.

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Un tapis rouge pour les firmes bancaires et agroalimentaires

Si les sponsors ont envahi les manifestations sportives depuis longtemps, leur prépondérance n’a pas manqué de provoquer des réactions. Ainsi la visibilité de certaines multinationales fut assez mal perçue, notamment la « Caisse d’Épargne » et la « Banque Populaire » implantées à travers de larges réclames, des stands ainsi qu’une place dans le cortège. « Promouvoir des références aussi discutables, était-ce vraiment nécessaire ? Sans même parler du côté toxique et prohibitif de la finance, ces deux-là traînent pas mal d’affaires et de condamnations. Je suis venu avec mes petits-fils, je trouve dommage de leur donner en partie cette image » regrette un spectateur.

Mais dans ce registre, la marque « Coca-Cola » remporte la palme du ressentiment. « Durant le trajet, des centaines de leurs canettes ont été distribuées en visant particulièrement les jeunes et les enfants. Je trouve cela ahurissant qu’on puisse le permette, alors qu’on connaît les ravages sanitaires et écologiques occasionnés » s’emporte un trentenaire tout juste père. Lequel, comme bien d’autres, remarquera, stupéfait, que les contenants liquides sont interdits et confisqués à la Gare-d’Eau. « J’ai été refoulé, car avec cette chaleur je ne pouvais pas me détacher de ma gourde d’eau. On a bien compris le message, apparemment il faut faire tourner le business ou crever » ajoute t-il.

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Les guet-stars, trié·e·s sur le volet

Alors que les personnalités choisies pour porter la flamme font unanimité, des « oublis » sont toutefois remontés. Engagé dans la vie sociale de la municipalité, Khaled Cid s’attriste ainsi qu’un notable bien connu n’ait jamais été sollicité. « Je ne peux me retenir de penser à Khedafi Djelkhir, il a été le premier athlète bisontin venu d’un quartier à nous ramener le titre olympique ici à Besançon. C’était en 2008 et la place du Huit-Septembre était noire de monde pour accueillir el toro, revenu directement de Pékin avec un souvenir en argent qui marquera à jamais notre ville. En ce jour historique, j’aurais aimé le voir porter la flamme olympique » écrit-il avec amertume.

Dans le même temps, une haie d’honneur fut constituée par le département du Doubs avec vingt-quatre personnalités. « Seules sept sont en fait directement issues de cercles sportifs, les autres se sont illustrées dans les domaines de la société civile. Ce n’est pas déméritant bien au contraire, mais parfois on se demande quels ont été les critères de ce casting. Car ielles sont censé·e·s incarner les valeurs, les talents et l’engagement des habitant·e·s. On a la présidente des jeunes agriculteurs, une sous-officière, miss Franche-Comté 2022, ainsi qu’une pléiade de responsables d’associations, de pédégé·e·s et de patron·ne·s. Pour la plupart, difficile de ne pas souffler » confie un observateur.

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Succès ou tapage ?

Aussi des chroniqueurs avisés s’amusent de constater une soudaine propreté des rues, d’autant plus après une campagne de l’AFPS contre l’inclusion d’Israël à la compétition. « Depuis plusieurs mois, Fagaut et Croizier relancent la mairie sur la question des affichages sauvages. Sans grand succès, surtout dans le contexte chaud qu’on traverse. Mais d’un seul coup, je vois la nouvelle propreté des gouttières du centre. Un gros nettoyage s’est opéré, visiblement » lance l’un d’eux. Une volonté de salubrité, poussée un peu loin. Comme le souligne l’Est Républicain, la frénésie a occasionné des dommages collatéraux ; délesté de ses graffitis, le skatepark de Chamars en a été rendu impraticable.

Reste une interrogation, cette manifestation fut-elle vraiment une réussite populaire ? Comme nous l’avons relevé, une part prépondérante des badauds engagé·e·s ne vivait pas dans la capitale comtoise. « Ce n’est pas un ras-de-marée, mais il y a quand même un peu de monde. Après si on enlève l’organisation, la sécurité, les officiel·le·s, les clubs, les élèves enrôlé·e·s et leurs proches, oui on pourrait sans doute modérer un peu le triomphalisme ambiant. Quant au public que j’ai croisé, assez peu était de Besançon même, la foule étant en grande partie constituée de participant·e·s venu·e·s d’ailleurs dans la région ou au-delà et jusque de l’étranger » relativise un commerçant.

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Déplacements en croix et bannière

Énièmes dissensions, les problèmes de circulation et de transports. Dès le milieu d’après-midi, les tramways étaient par exemple bondés. « Pour moi, Ginko n’a pas du tout anticipé. À 16h30, la situation fut chaotique : passages insuffisants, rames trop petites, informations parcellaires… On n’était même pas sorti·e·s de Planoise, que des dizaines de personnes dont des femmes avec poussettes et des ancien·ne·s avaient déjà dû rester à quai. Quand on connaît en plus les tarifs, c’est inadmissible. Les mêmes qui parlent de prise d’otage pour les mouvements sociaux, là ielles ne voient pas le souci de foutre tout le monde dans la merde pour leur sauterie » assène un usager.

Passé 17h00 et la suspension des lignes, beaucoup ont dû prendre leur mal en patience ou avaler les kilomètres à pied. « Pour aller chercher mon gamin au centre et rentrer à Saint-Claude, il n’y a plus rien » se désolait une mère de famille. Les véhicules individuels n’étaient d’ailleurs pas toujours mieux lotis pour tenter d’évoluer, les quartiers concernés étant infranchissables, les grands parkings saturés ou inaccessibles et plusieurs voies majeures, comme les ponts Charles-de-Gaulle et Canot, complètement fermées. « Avec toutes ces mesures de blocages et de restrictions, je n’avais plus envie d’y assister [au passage de la flamme] » publie entre autre un internaute, sur un groupe Facebook.

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