À Besançon comme en Franche-Comté, jamais l’extrême-droite n’a été aussi plébiscitée dans les urnes. Rejet de l’immigration, ostracisme des bi-nationaux, traque des minorités et oppositions, fermeté sécuritaire, culte d’un pouvoir autoritaire et répressif et coordination avec les états les plus dictatoriaux forment pourtant le cœur battant de leur projet de société, affiché et décliné au global comme au local, avec quelques nuances lexicales, plus ou moins appuyées, il est vrai. Mais derrière les grandes idées cartésiennes, certains adeptes n’attendent même plus de se voir attribuer les cadres licites nécessaires par le futur pouvoir rêvé, préférant s’adonner eux-mêmes, tout de suite, en direct, à l’application concrète du plan, enfin acteurs de leur si belle vision de la nation.
À Belfort le 10 juin, une croix gammée est inscrite sur la porte d’un mineur non-accompagné ; à Danjoutin le 10 juin, des slogans antisémites sont tagués sur les murs de la ville ; à Giromagny le 15 juin, à Belfort le 17 juin, à Besançon le 25 juin, trois agressions dont au moins une à connotation discriminatoire sont relevées contre des militants de gauche ; à Besançon le 25 juin, un confrère de France 3 Franche-Comté fait l’objet de menaces de mort émanant d’une partisane d’Éric Zemmour ; à Belfort le 27 juin, un livreur « Uber Eat » réfugié afghan est roué de coups par un patron de restaurant sous des propos visant ses origines ; à Lons-le-Saunier le 30 juin, de multiples tags ultranationalistes ciblant le local du « Parti Socialiste » et les rues alentours sont découverts.
Combien d’autres cas, insidieux ou ostensibles, passent sous les radars médiatiques et judiciaires ? Au Ch’ni, les témoignages commencent à affluer. Comme le récit de ce couple de chibanis sans histoires, qui regagnait son domicile samedi dernier à Micaud ; arrivant près d’un feu tricolore, il a été alpagué par un automobiliste arrêté devant lui en criant « bande de sales arabes, c’est bientôt fini pour vous ! » Ou encore le message de cette mère de famille, simplement en balade avec ses enfants mardi après-midi ; interpelée par des injures équivoques puis frappée à coups de poing, en pleine esplanade des Droits Humains. Les premières victimes n’ont pas souhaité déposer plainte, la seconde vient de le faire avec l’appui de tiers qui ont permis d’identifier l’autrice présumée.
Quelques « brebis galeuses » dixit Jordan Bardella, ou expression pratique d’un programme aux tréfonds nauséabonds ? La continuité entre les uns qui arment et les autres qui tirent n’est pas un secret, du bomber crane-rasé au costume pouponné, « on n’a pas le même maillot mais on a la même passion ». La capitale comtoise, cité de Victor Hugo et des Lip, forte d’une jeunesse antifasciste à l’essence autonome et intersectionnelle, entend bien mener la résistance. Mercredi encore, un cortège spontané arpentait les artères du vieux-centre sous le regard nettement approbateur des passants, riverains, badauds. Une hargne salvatrice, se jouant des déterminismes patibulaires ambiants. Mais face à la terreur brune qui s’avance, les lendemains seront autrement plus rudes.
Des gilets jaunes à la réforme des retraites et des quartiers populaires aux faubourgs de Nouméa, cette lente agonie est pavée depuis des années par un libéralisme brutal qui trouve dans cette issue macabre son firmament. Société civile, partis, syndicats, associations, presses, bref, ces empêcheurs de profiter, d’exploiter et de diviser en toute quiétude, lentement mis au pas, risquent aujourd’hui d’être définitivement entravés, verrouillés, annihilés, pour la joie des marchés, en hausse à l’annonce des résultats du premier tour. Ce dimanche 7 juillet par notre bulletin de vote, il nous est encore possible de freiner temporairement la broyeuse infernale. Mais en parallèle et au-delà, par la grève, le bitume et la plume, c’est à nous tous et toutes de défendre nos valeurs, quoi qu’il en coûte.
Illustration d’en-tête : un groupe de militants néonazis, le 28 janvier 2023 à Besançon.