Fondremand, Le Bassin De La Source De La Romaine

Au cœur de ce département où le « Rassemblement National » était en tête de toutes les dernières élections, l’extrême-droite semble aussi s’épanouir sous ses formes les plus radicales. À l’occasion d’événements culturels, les illustrations explicites ne sont plus rares y compris dans les contrées tranquilles et reculées. Démonstration ce week-end encore à Fondremand, village typique de seulement deux cents âmes. Au cours de road trips à la campagne, quelques bandes se retrouvent afin d’exhiber looks, vêtements et tatouages, aux fondements parfois directement puisés dans l’imaginaire nazi, en toute quiétude. Tempête dans un verre d’eau, ou arbre qui cache la forêt ? Face à la promotion d’idéologies racistes et génocidaires, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre la mesure du phénomène. Quitte à laisser s’installer ces références dans le quotidien, risquant ainsi de les normaliser et les répandre. Enquête.

 

Rangers et croix gammée

Labellisée « cité de caractère » de par son histoire et son patrimoine riche, Fondremand est située à une trentaine de kilomètres de Vesoul et de Besançon. Elle est notamment connue pour sa manifestation d’artisanat et ses feux d’artifices relatifs à la fête nationale, qui attirent chaque année plusieurs milliers de personnes issues de toute la région et au-delà. Mais ces 13 et 14 juillet 2024, c’est une faune plus singulière qui a alerté nos témoins. « Nous avons croisé un petit groupe dans les allées, une dizaine d’hommes de vingt à trente ans dont certains arboraient le crâne rasé ou le look rangers et bombers. Beaucoup exhibaient des signes distinctifs précis, à l’image de tee-shirts “defend Vesontio” incluant un fusil kalachnikov ou proclamant “fuck AFA” par exemple. La plupart avaient également des tatouages bien visibles, comme l’un qui portait sur le bras une croix gammée avec runes et couronne d’épines » relate un visiteur toujours stupéfait de cette scène.

Un descriptif sans équivoque, qui recoupe la composition du contingent s’étant rendu au défilé du « C9M » ce 11 mai à Paris. Selon les autres récits et images que nous nous sommes procurés, il n’a pas été difficile de mettre des noms derrière ces individus, à l’instar de Florent G., Arthur F., Tristan D., ou Romain J., tous originaires de la capitale comtoise. Ce dernier s’est illustré lors des émeutes racistes de Romans-sur-Isère, condamné et incarcéré pour sa participation directe comprenant des tirs de mortiers d’artifice sur la police. « Je suis venu en famille pour que mes proches découvrent du savoir-faire, certainement pas des horreurs pareilles ! Comment les autorités tolèrent cela, au milieu d’enfants ? » s’emporte un artisan-horloger, qui assure avoir prévenu la sécurité à son départ ; une tentative sans effet, puisque le lendemain les étalages explicitement néonazis étaient à nouveau documentés à travers le passage des frères Quentin et Teddy M.

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Un groupe de quatre néonazi-e-s, en ballade à Fondremand le dimanche 14 juillet… On y retrouve Teddy M. (au centre-gauche), condamné pour l’attaque d’une librairie anarchiste le 7 octobre 2015 avant de s’engager à la légion étrangère. Le 8 juillet 2020, Matthieu Suc en dressait le portrait pour « Médiapart » : « Son corps est ornementé d’un imposant soleil noir sur l’épaule, le slogan White Power sur le bras ainsi qu’une totenkopf et enfin la devise de la SS sur le torse ».

Incident isolé, ou réalité plus profonde ?

Dans ces villages généralement ruraux et paisibles, la problématique pourrait être récurrente. Illustration encore à Filain, moins de vingt kilomètres à l’est de Fondremand ; durant la seule édition des « médiévales fantastiques » les 10 et 11 juin 2023, un spectacle de feu avait ainsi été proposé par une troupe originaire du Pas-de-Calais. Un animateur, Julien G., retenait toutefois l’attention, à cause de ses allusions occultes : « Il avait des références néo-païennes utilisées par les suprématistes, tels le « Vegvisir » et le « Valknut », mais aussi des attributs issus du IIIe Reich, comme la « croix de fer » et le « soleil noir ». L’organisation et la commune ont été prévenues de manière rapide et très détaillée, leur demandant d’assurer une réelle vigilance en rappelant l’interdiction légale de telles apologies. C’était il y a un peu plus d’un an, nous n’avons jamais eu la moindre réponse » explique un collectif antifasciste, fournissant la copie de ce courrier électronique daté du 13 juin 2023.

Ces bourgs ont-ils conscience du phénomène, quelles mesures devraient être ou ont été prises ? Sollicités, les maires intéressés n’ont pas donné suite à nos interrogations. Mais le 5 juin 2020, le site « Fafwatch » révélait la tenue de sauteries « völkisch » par un habitant de Fondremand. Militant racialiste et cadre du groupuscule « Terre et Peuple », Olivier B. recevait toute la fine fleur identitaire de Franche-Comté. Un milieu qu’il fréquente assidûment, ayant été mis en cause pour des agressions commises sous l’égide des « Vandal Besak » dont une visant un journaliste le 17 juillet 2021. « La population est loin d’être aussi acquise à des idées à ce point radicales, mais il y a un ancrage important qui se crée à travers un climat lepéniste fort et des points de chute identifiés. Les jeunes de ce week-end ont-ils seulement fait l’aller-retour, où aussi trouvé le gîte et le couvert sur place auprès d’âmes bienveillantes… Impossible de le savoir, mais ici ils se savent sécurisés » analyse un observateur.

Image d’en-tête : Aperçu du village de Fondremand en février 2019, vue sur le bassin de la source de la Romaine au pied du château – crédit JGS25/cc-by-sa-4.0.

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