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Pour la deuxième année consécutive dans le parc urbain de Planoise, un Terrain d’Aventures propose librement de l’activité manuelle aux enfants et habitant·e·s qui souhaitent bricoler un peu, s’amuser et donner vie collectivement à un espace du quartier.

Un bout de terrain au milieu du parc urbain

Deux arbres bornent l’entrée du lieu, c’est un espace ombragé du parc, entouré sommairement par des barrières en planches de palettes bricolées par les enfants, les animateurs et les animatrices. Sur un des arbres, un panneau « Terrain d’Aventures » pend, accroché à des cordes. Sur l’autre on retrouve les horaires d’ouverture : du 8 au 27 juillet de 17h00 à 21h00, plus bas les mentions « gratuit, sans inscription, ouvert à tous et toutes ».

Passé cette entrée, on arrive directement face aux premières cabanes où, des enfants de sept à dix ans, solidifient des structures. Certain·e·s clouent, d’autres découpent du bois, un autre est missionné pour aller chercher plus de matériel, des clous et de la ficelle. Tout cela est à disposition dans un lieu appelé « le magasin ». Deux enfants y reçoivent les demandes, vont chercher les outils et matériaux puis les distribuent. L’enfant que l’on suivait fait un détour par l’espace de stockage et récupère deux planches. Tout cela se déroule sous le regard attentif des animateurs et animatrices. L’un est proche du magasin, une autre aide des enfants à scier, un dernier enfin fait passer à un nouvel enfant un « permis » qui lui permettra d’utiliser librement les outils du magasin.

Eugène, un des référents du terrain, nous explique que « le Terrain d’Aventures est un espace d’activité libre, de construction et de vie dans l’espace public, il est gratuit et sans inscription, l’accueil y est inconditionnel ». En effet ce terrain n’est pas que pour les enfants, il arrive que des parents aussi viennent sur le lieu et construisent seul·e·s ou avec leurs enfants. « On a des parents qui viennent et construisent avec les enfants, on en a d’autres qui viennent et s’assoient à une table, discutent et regardent. La dernière fois on a même deux mamans qui sont venues avec un pique-nique, elles mangeaient avec deux enfants plus jeunes pendant que deux autres, plus âgé·e·s, faisaient des aller-retour avec l’espace d’activité » observe Jérémy, un autre animateur.

C’est suite au lancement d’un appel à projet pour « faire vivre » le quartier de Planoise, qu’une association d’Éducation Populaire et d’Éducation Nouvelle, les CEMÉA, a proposé la construction d’un Terrain d’Aventures. Les CEMÉA sont accompagnés dans cette démarche par « les Deux Scènes » qui gère le théâtre de l’Espace place de l’Europe et l’association « Juste Ici », connue aussi pour le festival « Bien Urbain ». Au début du projet c’est la place de l’Europe qui avait été choisie pour implanter le Terrain d’Aventures. Un lieu de passage et un point de deal connu du quartier, où l’aire de jeu pour enfants square Salah Gaham avait été abandonnée. Malheureusement l’idée n’a pas pu se concrétiser là-bas, en raison du risque de chutes de branches des arbres tombés malades. C’est pourquoi le terrain a finalement vu le jour dans le parc urbain de Planoise, à côté de l’école Durer.

D’ailleurs le Terrain d’Aventures ne fonctionne pas exclusivement pendant les périodes d’été. Des jeunes, sont accueillis pendant les vacances et des classes d’écoles du quartier le sont en période scolaire. C’est en partie ce qui a contribué à promouvoir le lieu dans le quartier nous expliquent deux enfants, Aydan et Dario. « Au début c’est une copine qui nous a prévenu qu’il y avait un Terrain d’Aventures et on est venu et on a vu […] ça fait depuis l’année dernière qu’on vient ».

C’est un bouche-à-oreille efficace et défendu par Eugène qui nous avoue que « les affiches ça marchait pas, les gens ne les lisaient pas donc on a assumé de faire autrement. Aujourd’hui, c’est par l’accueil des personnes, une par une, que ces personnes ramènent d’autres gens et font connaître le terrain. Le fait de laisser les personnes venir est déjà un premier pas et garantit que les gens ont aussi envie de venir et s’engager dans la découverte du terrain et des personnes qui sont dedans, c’est la liberté aussi de venir ou pas ».

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Un lieu pour et par les habitant·e·s du quartier

En discutant avec les animateurs et animatrices, on apprend que les enfants qui viennent sont aussi celles et ceux qui ne vont pas en centre de loisir, qui sont éloigné·e·s du loisir de manière générale. Ce sont beaucoup celles et ceux qui habituellement « traînaient » dans le quartier entre ami·e·s mais qui ne côtoient pas les lieux habituels et/ou payant d’activité. Ici ielles viennent, construisent selon leurs envies et capacités et participent à la vie du lieu.

Les enfants viennent au terrain seul·e·s ou avec leurs parents, il n’y a pas d’obligation. Sur place, adultes et enfants passent avant tout des permis avant de se mettre à bricoler. Jérémy explicite que « le permis c’est quelque chose qui se fait en plusieurs étapes et qui permet aux animateurs de vérifier si les personnes savent se servir des outils ou d’apprendre aux enfants et aux adultes à les utiliser sans risques ». Les permis sont nominatifs et conservés dans le « magasin » sur un tableau pour vérifier qui a le droit d’utiliser quel outil. Il y a donc les permis pour scier, clouer, poncer ou encore faire des trous. Sur place de la peinture, des craies et des tissus sont aussi à disposition, pour décorer les créations.

Le magasin, d’ailleurs, est aussi organisé par les enfants. « C’était une volonté des enfants exprimée au dernier conseil du terrain, une sorte d’assemblée ouverte à toutes et tous, où les enfants ont choisi que chaque heure, deux enfants pourraient gérer le magasin qui était à la base uniquement l’affaire des animateurs », témoigne Jérémy. Ces assemblées il y en a souvent sur le terrain, les enfants et les adultes peuvent y participer, établir des règles et gérer des conflits, particulièrement sur la propriété des cabanes.

C’est donc un lieu, en grande partie pour les enfants et géré avec elleux qui permet en plus de la pratique d’activité manuelle, leur expression et leur participation à une organisation démocratique directe. C’est petit à petit devenu un lieu de rencontre pour les enfants, un espace de vie, mais moins pour les adultes qui peinent encore à s’y rassembler. Même s’il concerne plus les habitant·e·s des contours du parc et du secteur Cassin et Europe, ielles semblent en être content·e·s. « C’est super que les gosses puissent apprendre à construire plein de trucs, ils font plus ça à l’école aujourd’hui », nous dit un passant croisé avenue du parc.

Eugène conclut en nous affirmant : « C’est important de donner sa place à l’enfant dans la ville qui aujourd’hui ne lui offre que très peu de place pour évoluer en autonomie. Le prix de la gestion d’un terrain, en sachant qu’on avait déjà des outils et que tout le matériel c’est de la récup’, ça sera toujours moins cher que la construction et l’entretien d’aires de jeux avec toutes les normes de sécurité et aussi avec une utilisation présupposée. L’activité libre dans l’espace public c’est un vrai projet de société au-delà d’un projet seulement d’animation ».

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En Bourgogne/Franche-Comté, plusieurs autres projets

Il existe aujourd’hui trois Terrains d’Aventures en Bourgogne/Franche-Comté. Les CEMÉA ont contribué à la formation d’animateurs et animatrices à l’initiative des terrains du quartier de Fontaine d’Ouches à Dijon, en lien avec la « Maison Phare », et aussi de celles et ceux du récent terrain du quartier Saint Claude à Besançon, construit par l’ASEP. Mais les CEMÉA ne vont pas s’arrêter là et prévoient déjà pour l’année prochaine la mise à disposition d’un camion pour l’organisation de Terrains d’Aventures itinérants dans le Doubs, afin de proposer de l’activité libre au-delà des quartiers en particulier dans les zones rurales les plus touchées par les problèmes de mobilité.

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