En raflant la deuxième circonscription du Doubs le 7 juillet 2024, Dominique Voynet marquait un retour politique emprunt d’espoir. Mais rapidement, l’unique parlementaire de gauche en Franche-Comté faisait aussi l’objet, dans son propre électorat, d’interrogations, de réserves, voire de critiques. Car derrière l’égérie verte, ses différents bilans et propos en laissent encore beaucoup perplexes : Action nuancée sous le gouvernement Jospin, dérives sécuritaires etcontestation à Montreuil, soutien embarrassant à Denis Baupin… Un passé qui entre parfois en résonance avec le présent et le local, les premiers pas de la nouvelle députée faisant émerger des craintes quant à la solidité de sa vision sociale, écologique et féministe.
À Besançon, une préoccupation palpable
À travers les réseaux sociaux, lors de réunions de campagne ou en célébrant l’annonce de sa victoire, Dominique Voynet et ses allié·e·s ont pu mesurer combien la confiance placée en son nom était fragile. Dans cette union de gauche où rappel des attentes et marques de méfiance fusent, les voix assumant ouvertement leurs incertitudes restent encore rares. À l’image de deux figures de la société civile, refusant d’être citées mais développant : « Nous avons dit ce que nous avions à dire à Voynet le jour J, en lui rappelant qu’elle était élue par la population de la circonscription. Elle avait donc des comptes à lui rendre, en particulier en la tenant informée de sa stratégie, en refusant de s’associer à la Macronie et en défendant le programme du Nouveau Front Populaire ».
Derrière cette crispation, s’agitent de vraies interrogations. L’interview accordée à « LCP » le 9 juillet renforçant la défiance, l’élue estimant par exemple à propos du report des voix du centre dont elle a bénéficié « qu’elle ne devait décevoir aucun de ses électeurs et même aucun français ». Un discours que certain·e·s taxent de « trahison », d’autres ne manquant pas de le mettre en lien avec son passage comme ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement ; car si dans l’imaginaire Dominique Voynet reste associée à la bataille contre le projet de grand canal ou l’arrêt de la centrale superphénix, c’est aussi elle qui a autorisée la COGEMA à étendre l’usine Melox de Marcoule et a initié le laboratoire de recherche souterrain de Meuse/Haute-Marne à Bure.
Proche de la majorité municipale et ayant comme suppléant l’adjoint à la maire Anthony Poulin, des doutes se transposent aujourd’hui quant à divers débats liés à l’urbanisme. « On ne pense pas que notre nouvelle députée se mouillera pour empêcher la bétonisation des Vaîtes, étant donné ses positions et compagnonnages qui ont été plus que chancelants lorsqu’il fallait trancher des cas concrets. Nous nous attendons à ce qu’au mieux elle se contente d’un silence, au pire d’un plébiscite pour que ce soi-disant écoquartier voie le jour. J’ai voté pour elle afin de faire barrage au Rassemblement National, mais sans la moindre illusion, y compris en terme d’écologie » exposaient les membres d’une association, rencontré·e·s au village « Alternatiba » ce 13 juillet.
Un féminisme à géométrie variable ?
Pour la nouvelle génération qui découvre Dominique Voynet et son parcours, un énième couac réside dans l’affaire Denis Baupin. À partir du 9 mai 2016, le député de Paris est visé par quatorze accusations de harcèlement et/ou d’agressions sexuelles. Une affaire devenue judiciaire avec l’ouverture d’une enquête, qui se solde par un classement sans suites pour cause de prescription. Intentant ensuite un procès en diffamation le 4 février 2019 à l’encontre de plaignant·e·s et journalistes, l’ancien mis en cause voit la procédure se retourner contre lui au point d’aboutir à sa condamnation civile. Ayant sollicité ses partisan·e·s pour appuyer la charge, il a pu compter sur le concours de l’ancienne ministre auprès de laquelle il avait exercé comme conseiller politique.
Malgré les dépositions accablantes dont celles de proches, Dominique Voynet a décrit Denis Baupin en « dragueur » marqué par la « culture soixante-huitarde ». Allant jusqu’à décrédibiliser le récit de victimes, ses propos soulèvent l’indignation quand elle déclare « [qu’il] aurait violé des handicapés ça n’aurait pas été plus grave dans les médias » ou « [qu’]on ne peut pas traiter de la même façon une caresse dans le cou et un viol sur une personne vulnérable ». Écartée de la campagne de Yannick Jadot et épinglée lors de sa prise d’EÉLV Franche-Comté, fin 2022 elle oscille timidement entre déni et remords. Un numéro d’équilibriste qui ne l’empêche pas d’être investie dix-huit mois plus tard pour le « Nouveau Front Populaire », qui se veut pourtant en pointe contre les VSS.
« Pas mal de gens ne connaissent pas du tout ces faits, quand d’autres ont préféré ne pas appuyer là où ça faisait mal face au danger de l’extrême-droite. Mais maintenant que le scrutin est derrière nous, il faut mettre les pieds dans le plat. Ces paroles, elles sont tout simplement ignobles et indéfendables. Elles émanent en plus d’une responsable de premier plan il y a tout juste cinq ans, donc oui elle pourrait aujourd’hui expliciter de véritables regrets publics. Quand on connaît la situation c’est nécessaire, à Besançon un féminicide a encore été jugé fin juin » s’emportait une référente de « Nous Toustes 25 », présente au kursaal le soir du 7 juillet. Sollicité·e·s, ni Dominique Voynet, ni Anthony Poulin, ni Europe-Écologie/les Verts Franche-Comté, n’ont souhaité réagir à ces sujets.
Image d’en-tête : Dominique Voynet, le 7 juillet 2024, arrivant au kursaal de Besançon, célébrant l’annonce des résultats du second tour et saluant ses soutiens – TDP.