Assia Djebar (cropped)

Avec l’élection d’Anne Vignot le 3 juillet 2020 comme maire de Besançon, la municipalité avait affiché sa volonté de féminiser les futures dénominations officielles de rues, parcs et autres espaces publics. Un paradigme jugé nécessaire face au manque de diversité, visible aussi en matière d’odonymie. En quatre ans de mandat, c’est ainsi une quinzaine de sites qui ont été baptisés en conséquence. Mais si une véritable recherche d’inclusivité semble se dégager, les choix réalisés pèchent toutefois encore par une certaine endogamie sociétale.

6%. Selon l’adjointe à la culture Aline Chassagne, c’est le pourcentage de voies dont le patronyme est dédié à une femme ou une minorité de genre. Soit sur près de 1 150 avenues, impasses ou passages, à peine plus de soixante-dix consacrées en ce sens. Un chiffre extrêmement modeste, mais assez conforme à la situation nationale. Si le constat est forcément sévère, les solutions restent souvent limitées ; l’ouverture de nouvelles artères restant rare, alors que procéder à des modifications pourrait virer à la polémique ou se transformer en casse-tête administratif.

Mais depuis l’installation de cette majorité de gauche, ce sont dix-sept changements ou apparitions qui ont été à chaque fois adoptés à l’unanimité avec les oppositions. Il s’agit d’abord de figures majeures et universelles, comme l’avocate et féministe franco-tunisienne Gisèle Halimi (2021), l’aviatrice et résistante française Adrienne Bolland (2021), la biologiste et prix Nobel de la paix kényane Wangari Maathai (2023), la philosophe américaine Hannah Arendt (2024), l’écrivaine franco-algérienne Assia Djebar (2024), ou encore l’athlète français Alain Mimoun (2024).

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Gabrielle Petit, en marge de son procès le 29 août 1908 à Besançon.

On retrouve également des références plus locales ou ayant un lien avec la région, à l’instar de la résistante Yvonne Grappin (2021), du militant associatif Jean Mille (2021), du lutteur et entraîneur Claude Cupillard (2021), de l’infirmière et écrivaine Isabelle Febvay (2021), des fouriéristes Clarisse Vigoureux (2021) et Julie Considerant (2022), de la féministe et anarchiste Gabrielle Petit (2022), de l’ancienne ministre Paulette Guinchard (2022), des résistant-e-s et écrivain-e-s Renée et René Pelletier (2023), ou du 19e Régiment du Génie dit des « Sapeurs d’Afrique » (2024).

Un rafraîchissement évident, mais qui dans le détail se résigne à surtout privilégier les milieux bourgeois et/ou les engagements conformes à la vision des pouvoirs publics. Exemple avec l’activiste libertaire Gabrielle Petit, dont l’exhibition du drapeau noir pourrait la rattacher à Pierre-Joseph Proudhon ou Louise Michel. Mais si elle est connue pour ses discours antimilitaristes lui valant plusieurs procès dont un à Besançon le 29 août 1908, son principal combat contre la prostitution se révèle aujourd’hui totalement raccord avec une ligne abolitionniste soixante-huitarde.

Pour nombre d’administrations, promouvoir des modèles réellement contestataires et hors-normes semble inenvisageable. Les personnalités prolétaires, révolutionnaires, ou LGBT+, apparaissent ainsi encore peu présentes. Si une proposition pour l’autogestionnaire Charles Piaget a bien été faite, les profils ouvriers, immigrés, racisés, ne manquent pourtant pas, de la Rodhiaceta à Lip, en passant par le syndicaliste et communard Séverin Robert. Mais selon un communiqué du 24 février dernier, c’est le nom du gendarme Arnaud Beltrame qui devrait prochainement apparaître.

Image d’en-tête : portrait d’Assia Djebar, écrivaine franco-algérienne.

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