Dsc 0016

Aucun accueil physique n’était assuré à la Poste Demangel, ce mardi 10 septembre. L’annonce est tombée il y a quelques jours à peine, l’agence est vouée à disparaître avant la fin de l’année. Un scandale pour celles et ceux qui y travaillent, tout autant que pour les habitant·e·s qui fréquentent l’établissement et bénéficient de ses offres postales et bancaires. Plus largement les craintes se dessinent quant à l’avenir de ce service public, frappé par une vague de suppression sans précédents y compris à Besançon.

« Usagers pas actionnaires, stop à la mort des services publics »

La date est désormais dans toutes les têtes, agissant comme un véritable couperet : le 2 décembre prochain, le bureau de Poste de la rue Robert Demangel est censé fermer définitivement ses portes. Situé peu après la place Leclerc, il dessert le large secteur de Montrapon/Fontaine-Écu et ses habitant·e·s. Mais depuis 2019 son sort apparaît en effet scellé, la direction considérant que la baisse de fréquentation ne permet plus aujourd’hui de maintenir le site. Depuis la disparition de l’agence des Justices et de l’Épitaphe, la nouvelle suscite un vent de colère.

Après un premier rassemblement en mai, une cinquantaine de personnes se sont donc retrouvées ce matin devant le bâtiment. Grille baissée, un écriteau indiquait sobrement « des mouvements sociaux perturbent actuellement le fonctionnement de nos services » ; « mais moins que la fermeture !!! », ajoutera un·e anonyme au stylo. Salarié·e·s, syndicalistes, associations de consomat·eur·ice·s, riverain·e·s, habitué·e·s, protestaient avec un mort d’ordre clair, résumé à travers une large banderole : « usagers pas actionnaires, stop à la mort des services publics ».

Dans le quartier, l’émotion reste également forte. À travers une pétition, quelque mille signatures papiers et deux-cent numériques ont été récoltées et adressées à l’entreprise. Murielle, la soixantaine, déplore ce choix, qui se fait au détriment de la population : « Je suis passé en coup de vent, mais bien sur je soutien le combat qui est ici mené. Pourtant je ne suis pas révolutionnaire, mais c’est du bon sens. À mon âge et sans véhicule, nous sommes beaucoup dans ce cas par là, on va avoir du mal à se reporter facilement sur Planoise ou Saint-Ferjeux pour ce dispositif du quotidien ».

Dsc 0035

Une mort programmée ?

Mais cette lente agonie, c’est encore les membres du personnel qui en parlent le mieux. Comme Nassira, qui a fait l’ouverture de cette antenne et y travaille depuis plus de vingt-sept ans. Pour l’élue CGT-FAPT, cette mort était parfaitement programmée : « Les locaux ont été vendus il y a quelques années, la Poste n’en était plus que locataire. Puis les horaires et activités se sont progressivement réduits, le professionnel et les colis furent délocalisés ailleurs. C’est donc facile de dire que les choses vont mal, quand on scie sois-même la branche sur laquelle on est ! ».

D’autres pointent encore les travaux réalisés, près de 200 000 euros d’investissement en 2021. « Quel gâchis », assène le cégétiste Vincent Peillon. « On se sent seul·e·s » ajoute encore Samia, de la même section syndicale. Comme d’autres agent·e·s, notamment de Picasso, Île-de-France et Saint-Ferjeux, elle est venue soutenir ses collègues. « La dernière fois les représentant·e·s s’étaient déplacé·e·s, mais il n’y a plus personne. C’est difficile à admettre, quand on sait que la Maire [Anne Vignot] a inauguré le bureau de Palente en février. C’est sans doute plus vendeur ! ».

Autant que la perspective funeste, c’est aussi les méthodes opaques de l’employeur qu’elle fustige. « Nous n’avions aucune visibilité sur comment les choses allaient s’opérer, il a fallut passer pour la grève afin d’obtenir des informations concrètes de nos patron·ne·s. Pour les cinq emplois en question, c’est donc l’incertitude qui demeure. Nous n’avons déjà plus de responsable sur place, donc on ne pouvait pas ignorer que ça partait mal. Mais maintenant, on sait qu’il nous reste deux mois pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Évidemment, nous ne comptons pas baisser les bras ».

Dsc 0066


« Une rupture d’égalité insupportable »

Derrière ce cas devenu emblématique, la réflexion s’étend sur l’ensemble du service public de proximité. Beaucoup craignant que cette saignée ne s’arrête pas là, avec déjà des noms qui circulent. « Ce n’est pas officiel, mais effectivement on parle des Chaprais et même de l’Île-de-France. Pour ce qui est de la centrale à Clemenceau, je sais que des limitations du service sont programmées. On se demande tout le temps, qui sera le prochain à suivre ? Dans les conditions qu’on connaît, aucun office n’est à l’abri » confie un employé « souhaitant rester dans l’ombre ».

Une inquiétude largement partagée, notamment par l’association « UFC-Que choisir » et le « Collectif de défense des services publics ». Pour ses interlocuteurs, la ville de Besançon n’a pas de raisons d’être plus épargnée que la ruralité. « Le cas des campagnes est bientôt régler, il suffit de voir comment les limitations s’enchaînent de Saint-Vit à Monferrand-le-Château en passant par Quingey. Du coup, pourquoi s’arrêter là et ne pas taper dans les villes moyennes de province ? Avec cette logique complètement folle, ce sont les citoyen-ne-s fragiles qui trinquent ! ».

Selon Florian Chollay, secrétaire de l’Union Locale-CGT de Besançon, l’actualité était malheureusement envisageable, tant les fermetures s’accélèrent. « La Poste ne s’en cache pas, d’ici 2025 la moitié des bureaux à service plein seront supprimés. Ça veut dire toujours plus de galère pour les employé·e·s, mais aussi la population ! C’est une rupture d’égalité insupportable, certaines zones se retrouveront complètement dépourvues de ce service pourtant essentiel. Les personnes âgées, à mobilité réduite, sans moyen de locomotion, seront lourdement pénalisées ».

À lire aussi