Classé « quartier prioritaire » depuis le 1er janvier 2024, Battant a fait l’objet d’une opération « place nette » du 11 au 13 septembre. À comprendre une descente massive des forces de l’ordre, destinée à débusquer et réprimer toute potentielle irrégularité. Ce sont 214 agent·e·s qui ont déferlé sur place selon Plein Air, principalement issu·e·s de la sécurité publique, mais aussi de la police aux frontières, des douanes, des impôts, des services d’hygiène, des URSSAF, de la SACEM, de la DREAL, de la SUGE, ou encore de Keolis. Commerçant·e·s, automobilistes, usagers et usagères des transports, riverain·e·s, badaud·e·s, ont ainsi été visé·e·s, de Canot à Viotte, pendant trois jours.
Une campagne martiale inédite faisant suite à des troubles square Bouchot, qui n’a pas toujours été appréciée. « Pour moi, il y a une différence de traitement évidente entre les populations. Est-ce que quand il y a des nuisances à Saint-Amour, on envoie toute la cavalerie dans les négoces du coin ? Non bien sûr, car ça ferait tache et surtout polémique. Mais ici par contre, aucun problème ! » s’emporte un gérant de fast-food. Même son de cloche avec le tenancier d’un bar tranquille, pourtant demandeur à retrouver un peu de quiétude : « Il y a des problèmes, c’est vrai. Mais mes locaux ont été inspectés à trois reprises en deux mois, ça devient pesant à force et je ne sais pas à quoi ça sert vraiment… »
Cette débauche tapageuse irrite également chez certains syndicalistes, comme un membre de la CGT croisé en sortant de la maison du peuple voisine : « Qu’on s’intéresse aux patron·ne·s-voyous, c’est tentant sur le principe. Mais ce qui me dérange ici c’est la logique néocoloniale, on traque des sans-papiers et on tape chez l’épicier de proximité. À côté de ça je peux citer une dizaine de boîtes très bien installées où ça se passe mal, pour lesquelles l’administration n’intervient pas ou peu malgré l’urgence et la gravité des cas. Les salarié·e·s en souffrance ne sont pas idiot·e·s, ielles voient que pour elleux il n’y a parfois personne au bout du fil mais que devant les caméras on trouve tout le personnel nécessaire ».
La presse n’a pas manqué d’être associée à la communication officielle, l’Est Républicain s’affichant comme le prestataire idéal pour cette tâche. « Ils étaient directement incorporés dans la mission, au plus proche des colonnes » rapporte notamment un témoin. Mais dans la brève dédiée comme sur les réseaux sociaux, les résultats fulgurants promis se font attendre. 878 personnes, 75 voitures et 23 sociétés contrôlées plus tard, on obtient 61 resquilles Ginko et SNCF, douze manquements à la législation du travail ou de la vente de tabac, quatre procédures URSSAF et autant d’interpellations. Malgré la belle mise en scène, les chiffres ne sont pas aussi bons qu’espérés.
Visiblement embarrassés, les pouvoirs publics et le quotidien régional concluront sobrement leur rapport : « plusieurs infractions ont finalement été relevées, précise la préfecture, même si la majorité des établissements n’avaient rien à se reprocher. Au-delà du bilan de ce déploiement, les autorités avaient, en toile de fond, la volonté de faire passer un message de fermeté auprès de tous les entrepreneurs ». « Il s’agissait, pour résumer, de montrer les muscles et les uniformes », renchérira le même canard, cinq jours plus tard. Reste une profusion de moyens aux coûts bien réels, qui, eux, ne nous seront jamais précisés ni davantage livrés par les reporters de guerre du Crédit Mutuel.
Image d’en-tête : Une cohorte d’agents de la brigade anti-criminalité, en patrouille rue d’Arènes lors des manifestations intersyndicales du 1er mai 2023 – archives TdP.