Ielles étaient une soixantaine ce samedi matin au rond-point de Chalezeule, « bien plus que d’habitude » admet une habituée. Mais, spécificité locale, le site est, depuis le 17 novembre 2018, occupé de manière discontinue par les fameuses chasubles. En effet, si des « retours » ponctuels sont parfois notés ici et là, les implications aussi durables restent une exception en France. « Je ne sais pas si c’est un cas unique, j’ai connaissance d’un site dans le sud-ouest où on serait dans la même situation. M’enfin oui, ça doit vraiment se compter sur les doigts d’une main » confirme Fred, salarié d’un bailleur social et activiste de la première heure.
« Une conception affinitaire, presque familiale »
Dans les faits néanmoins, ielles ne sont qu’une petite quinzaine à occuper réellement les lieux chaque semaine. Un noyau dur et tenace qui subsiste, constitué au fil des mois de luttes. « Celleux qui se retrouvent là sont animé·e·s par une conception affinitaire presque familiale, on retrouve les copain·e·s en convivialité autant qu’on perpétue une mémoire revendicative forte à laquelle on tient. Les foules du début se sont certes bien réduites, mais des têtes reviennent de temps en temps avec une vraie synergie lors de grosses contestations. C’est un état d’esprit, plus qu’un cadre précis » relate notamment Denis Braye, pompier en conflit larvé avec le SDIS depuis plusieurs années.
Reste qu’en approchant des six années du mouvement, l’effervescence du jour s’avère assez inhabituelle. On la doit spécialement à la venue de Christophe Dettinger, boxeur chevronné et figure de cette révolte populaire. Sillonnant actuellement le pays afin d’échanger avec les ultimes bastions toujours vivaces, il s’est naturellement arrêté dans la capitale comtoise, en attirant des soutiens jusqu’à Dijon, Dole ou Pontarlier. « J’apprécie découvrir et discuter avec les gens, alors quand on me propose de passer c’est avec plaisir que je viens. Je connaissais déjà Frédéric [Vuillaume] et j’avais eu des échos de la situation à Besançon, faire un crochet par ici était donc une évidence ! » confie-t-il.
La convivialité, non sans constats
Un chapiteau est dressé, autour duquel cette petite société reprend vie : une table de presse avec de la documentation, un coin garni de gâteaux, un foyer alimenté de palettes, mais aussi, surtout peut-être, des banderoles, pancartes et slogans. Entre les discours et l’Internationale, le chant « on est là » est également repris avec ardeur. La plupart des automobilistes exprime sa sympathie par des coups de klaxons, mais presque aucun·e ne s’arrêtera. « La population était largement avec nous, mais la répression inouïe, les tentatives de leadership, les quelques miettes annoncées par le président, ont mis un cran d’arrêt ; aujourd’hui c’est difficile » estime Patrick, retraité proche de LFI.
« En six ans, rien n’a changé. Macron et sa clique sont encore là, nos malheurs avec. Depuis, il y a eu les retraites et l’inflation, notre existence ne fait que de se dégrader. Avec le gouvernement Barnier, la crise devrait prendre une nouvelle ampleur. Un bloc centre/droite/extrême-droite s’est constitué, sur un leitmotiv clair : L’ultralibéralisme comme horizon, la matraque pour celleux qui contesteront. En 2018, j’étais le premier à dire qu’il ne fallait pas tout casser ; Mais en me confrontant à la réalité, je me dois maintenant de l’admettre : Sans grève ni insurrection, il apparait bien impossible d’établir un rapport de force concret pour faire bouger les lignes » lâche un trentenaire, routier, père de trois enfants.