Le Donzelibéré

Occupation du site Megevand contre la réforme des retraites, critique du cirque politico-médiatique, blagues situationnistes starifiant Guy Debord… Depuis deux ans à Besançon, un drôle de journal circule de main en main. Mais qui se cache derrière ces petits imprimés, distribués au sein des facs ou lors de mouvements sociaux d’ampleur ? À cette question, pas de réponse précise. Suivant une tradition militante tenace, le « Donze Libéré » préfère utiliser le « nous » au « je » quand il s’agit de traduire une quelconque incarnation. « Le Ch’ni » a toutefois pu rencontrer ces jeunes intrépides au verbe acéré, pour notre portrait du mois.

« On ne recherche pas l’exactitude, mais à lancer le débat »

Le dernier numéro est sorti le 13 décembre dernier, mais impossible de se le procurer sur Internet ou chez votre buraliste. Pour obtenir cette fameuse douzième édition du « Donze Libéré » comme d’ailleurs les précédentes, c’est « en manif » et dans quelques établissements tels que « l’Autodidacte », « l’Interstice », la « SCOPS », ou le « bar de l’U. » dixit la quatrième de couverture. Un support de niche, mais qui a su trouver son public malgré une parution apériodique – avec seulement deux autres sorties en 2024, les 1er février et 1er mai. Reste que le format A4 de deux à quinze pages est tiré jusqu’à cinq cents exemplaires, avec un lectorat déjà fidèle.

À l’origine, le projet résolu et décalé d’une poignée de révolté·e·s. « Avec l’opposition à la réforme des retraites, la fronde s’est naturellement inscrite à l’université de Franche-Comté. C’est durant l’occupation d’un amphithéâtre [Donzelot, d’où le nom est tiré] que l’idée est née, tant en écho aux luttes soixante-huitardes que pour reprendre la parole sur des sujets qui nous intéressent. Le but était d’aborder des thématiques sérieuses, tout en ayant le goût du bon mot. Les choses varient beaucoup en fonction de qui s’implique, nous n’avons ni impératifs ni ligne éditoriale cadrée. On ne recherche pas l’exactitude, mais à lancer le débat » nous expose un membre fondateur.

Rien de très formel, du lancement le 22 mars 2023 jusqu’à récemment. « Le cadre est sans cesse discuté, on ne compte pas se constituer en association ou s’hasarder avec des dépôts légaux. Même si la question d’une structuration s’est dernièrement posée, afin de peut-être évoluer d’une étincelle à quelque chose de plus pérenne. Notre corrélation à l’agenda social est également l’objet de réflexions, tant dans le contenu que dans la distribution, nous restons très dépendant·e·s de ce calendrier. En découle aussi une introspection sur notre offre, est-ce qu’il faut faire plus d’enquête ou rester sur une ligne assumant le commentaire et l’opinion ? » abonde un second contributeur.

Donzelibéré
Le « DonzeLibéré », 12e édition du 13 décembre 2024 – page deux. Exemple d’une brève satirique, visant la présidente de l’université Macha Woronoff.

Parmi les soutiens, un certain Jean-Luc Mélenchon

Une effervescence qui impacte directement la production, entremêlée avec les horizons idéologiques, en particulier intersectionnels. Sur la nécessité d’imposer une rédaction en non-mixité par exemple, un hors-série « la Donze libertaire » a été relevé le 24 mai 2023. L’exercice ne s’est malheureusement pas poursuivi, mais dénote une volonté d’expérimentation et d’ouverture peu commune dans le monde de la presse, même alternative. C’est aussi que, sans se dire franchement anarchiste, le canard ne masque pas ses influences rouges et noires. À un logo incluant le cocktail Molotov, réplique ainsi le poème « la danse des bombes » de la révolutionnaire Louise Michel.

Mais le cœur demeure dédié à la critique du pouvoir, sous toutes ses formes. Au-delà des billets sur la politique de Macron, s’enchaînent les brèves sur des cas parfois très concrets. « Nous avions évoqué le cas d’une sociologue évincée à la suite d’un congé maternité, sans que ça ne suscite de réactions. En appuyant là-dessus, les syndicats se sont emparés de l’affaire, quand le doyen de la fac de lettres nous a interpelé·e·s. En réalité on est quatre clampin·e·s qui, entre deux bières et une nuit blanche, balancent des conneries sur un coin de table. Mais même avec trois bouts de ficelles on peut avoir un impact, voire dire des choses plus sensées que les officiels ! » renchérit une plume « historique ».

En ligne de mire, le journal « l’Est Républicain », régulièrement étrillé sous son qualificatif populaire « l’Est Répugnant ». « Titiller les élu·e·s et politiques, c’est une ligne inaliénable. Cette conception, elle ne bougera pas en 2025. D’ici là, certaines choses évolueront probablement, comme un éventuel passage modeste au numérique. On verra bien ! » Vendu à prix libre, le « Donze Libéré » ne vit que grâce à ses minces recettes. S’il a pu compter sur la promotion de personnalités comme Edwy Plenel et Jean-Luc Mélenchon, la petite équipe d’une quinzaine de bénévoles cherche à élargir ses rangs. « Ici, tout le monde peut participer, quel que soit son bagage » achève notre interlocuteur.

Mélenchon Donze Libéré
Jean-Luc Mélenchon, homme politique, tenant un exemplaire du « Donze Libéré ».

À toute fin utile, vous pouvez contacter le « Donze Libéré » à l’adresse suivante : redacdonz@gmail.com.

Illustration d’en-tête : Plusieurs numéros du « Donze Libéré », depuis sa première parution.

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