Diffusé sur les réseaux sociaux, l’appel spontané du collectif antifasciste « la Nuée » a été entendu. Comme dans une vingtaine d’autres villes françaises – jusqu’à Montbéliard, certain·e·s comtois·e·s avaient en effet exprimé leur volonté de célébrer la disparition de Jean-Marie le Pen, annoncée au cours de la journée. Délais courts, date en pleine semaine et rigueur d’un hiver froid et pluvieux n’ont pas freiné la témérité des fêtard·e·s, incluant une bonne part d’étudiant·e·s. Au final, près d’une centaine de personnes étaient ainsi réunies au plus fort de l’évènement, de 20h00 à minuit au kiosque Granvelle. Musique dont le titre-phare « la jeunesse emmerde le Front National » et slogans comme « Besac antifa » ont accompagné la petite sauterie, au gré des bouteilles de champagne et amuse-gueules.
Un évènement surtout symbolique, mais relais d’une tradition militante tenace. Dans ses mémoires, le Pen avait relaté son passage dans la cité en 1955 : « Fait extraordinaire, ma salle est presque vide. Un local me propose d’aller porter la contradiction au ministre socialiste Minjoz, qui réunit au même moment 5 000 personnes. J’y vais et je suis accueilli par un Minjoz aimable et aphone, qui m’invite à la tribune auprès de lui et me cède la parole […]. Je n’aurai pas le temps de prononcer un mot. La foule se lève, furieuse. Heureusement les bûcherons du service d’ordre socialiste, des monstres de deux mètres de haut, parviennent à m’exfiltrer. Je plonge dans ma voiture, une onze chevaux Citroën, mais la foule a suivi, la retourne, elle y met le feu. Je réussis à sortir, et là ils me laissent aller, sous les huées, trop content de m’en tirer ».
Sur place les discussions allaient donc bon train, l’occasion d’un point sur la situation du pays depuis. Pour beaucoup, la communication des officiel·le·s a été un véritable choc. « Pas mal de commentaires allaient dans la litote, la réhabilitation, voire la promotion de papy facho. Par exemple, le premier ministre François Bayrou a résumé ses ignominies en les qualifiant de simples “polémiques”. On parle quand même d’un type qui a supplicié des civils, fondé un parti avec des nazis, fut de nombreuses fois condamné, dont pour incitation à la haine et contestation de crimes contre l’humanité » s’emporte Léna. « Cette figure majeure de l’extrême-droite est morte, au moment où ses doctrines triomphent. On trinque pour que ses thèses nauséabondes le suivent dans la tombe, mais il faudra surtout se battre massivement dans la rue ! » complétait Arthur.
Une dénonciation ferme, qui tranche avec une partie de la classe politique et médiatique, oscillant entre mansuétude et discrétion, y compris dans la région. Si, sans surprise, les instances et parlementaires « Rassemblement National » ont été unanimes dans leurs hommages, en revanche, peu d’élu·e·s et de représentant·e·s notamment à gauche ont manifesté une opinion aussi claire qu’en 2002. Seule voix notable, « l’insoumise » Séverine Véziès assumera : « Que ses idées racistes, antisémites, haineuses, misogynes, réactionnaires et anti-pauvres brûlent en enfer avec lui. Je pense à toutes celleux qu’il a torturés en Algérie, à toutes celleux qui depuis des décennies subissent les égouts de sa pensée ». Un axe que maîtrise l’historien Fabrice Riceputi, qui tente lui aussi de faire émerger quelques vérités depuis la capitale comtoise.
Image d’illustration : Aperçu de quelques fêtard·e·s célébrant la mort de Jean-Marie le Pen, au sein du kiosque Granvelle.