Hier, place du Huit-Septembre 1944, plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées « contre l’empire Bolloré ». L’occasion de faire le point sur les différentes possessions du multi-milliardaire, en particulier dans les médias, l’édition ou la logistique. Au cœur de ces débats, il y avait aussi l’implantation d’éventuelles succursales dans la capitale comtoise. Une première firme technologique a ainsi été repérée par les contestataires, qui a d’ailleurs été visée par une action symbolique dans la nuit de lundi à mardi. « Le Ch’ni » en a identifié une seconde dans le secteur de l’énergie, qui a dû gérer avec un passif controversé en matière d’écologie.
Une « solution d’optimisation de flux de biens et de personnes »
Si la cité de Besançon est connue pour son horlogerie et ses microtechnologies, elle recèle également bien d’autres fabriques et ateliers. C’est le cas de « Easier », administrée par une certaine Marie Bolloré – quatrième enfant et seule fille de Vincent, gérant la « division Systèmes et Télécoms » depuis 2018. Implantée en 1962 dans le nord de la ville et comptant une soixantaine de salarié·e·s, la boîte est spécialisée dans la fourniture d’éléments sobrement dépeints comme des « solutions d’optimisation de flux de biens et de personnes » selon certaines annonces.
À comprendre, le développement de marchés tels que la « verbalisation électronique, la traçabilité des marchandises, les infrastructures de recharge, les équipements en libre-service et le contrôle d’accès piétons et véhicules ». Dans cette somme d’activité, la dernière branche serait aujourd’hui de loin la plus déterminante. Passages aux frontières, titres de transports en commun ou démarches aurès des administrations : ce sont plus de 30 000 portes d’accès, 5 000 bornes, 200 000 terminaux, qui équipent des sites comme l’aéroport de Los Angeles, le métro de Stockholm, ou la RATP.
Ainsi que la marque le souligne encore, 100 000 personnes passent chaque jour par ses dispositifs dans le monde… La plupart associant lecteurs de documents, scanners d’empreintes digitales et reconnaissance biométrique. Une implication et des chiffres qui provoquent des craintes, cette concentration aussi sensible, couplée aux idéologies du magnat breton, interrogeant. « C’est une société du flicage, où tout le monde est dans un fichier connecté. Ces données pourraient aussi être détournées par un pouvoir autoritaire, à des fins de répression » alerte une militante écolo.
Aux Près-de-Vaux, un passif peu reluisant
Après quelques recherches, il n’a pas été difficile de retrouver d’énièmes dépendances connues sous l’intitulé de « Bolloré energy ». Cette enseigne est d’ailleurs bien présente dans la région, avec des antennes sur Besançon (Doubs), Sellières (Jura) et Meroux-Moval (Territoire de Belfort). Un acteur historique de la distribution pétrolière en France, mais qui s’est progressivement attaqué à l’installation de chaudières et aux carburants alternatifs. Les autocars de Bourgogne/Franche-Comté ainsi que trains de la ligne Besançon-le Locle s’y sont notamment essayés, avec succès.
Mais dans les archives disponibles, cette affaire n’a pas toujours été synonyme de vertu. Entre 1994 et 2001, Bolloré disposait d’un site de 11 500m² aux Prés-de-Vaux, comprenant « quatre cuves aériennes de gazole et fioul domestique, pour une capacité globale de 2720 m³ ». Reprenant le passif de ses prédécesseurs, la compagnie a été contrainte par un arrêté préfectoral de mener une étude des sols. Celle-ci révélant des pollutions liées à des déversements « accidentels ou chroniques », en particulier via un incident survenu en 1982, alors sous l’égide de la société « Rhin-Rhône ».
À la suite d’importants travaux de réhabilitation, l’établissement cèdera cette parcelle à la municipalité pour acquérir un domaine près de Thise. Certes, l’épisode n’entache pas directement sa réputation, mais nourrit un sentiment de méfiance. Si ces carences furent parfois antérieures et que des mesures correctives ont été apportées, les lieux restent ainsi sous étroite surveillance. « Cette histoire montre qu’il faut rester vigilant·e·s, car cette nébuleuse a aussi investi dans des segments qui peuvent encore menacer écosystèmes et populations » livre un membre des « Soulèvements de la Terre ».
Illustration d’en-tête : Aperçu de la manufacture de Besançon, en 2022 – Capture d’écran « Go-Easier/X ».