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Jusqu’au 31 mars prochain, l’artiste-peintre Manon Aubry expose ses œuvres à la « galerie des Martyrs » (24, rue Claude Pouillet). Cinq de ses toiles y sont ainsi présentées au public, toutes se démarquant par une recherche de profusion et une critique acérée de la société : De la plus monumentale, nommée « la dernière seconde » et ayant nécessité dix-huit mois de travail, aux portraits revisités de Jérôme Rodriguez ou de Julian Assange. Lors de l’inauguration le 31 janvier, près de 150 personnes se sont laissées happer par le spectacle. Un évènement attendu des passionné·e·s bien sur, mais aussi par diverses figures intellectuelles et politiques sensibles à ce que l’excellence puisse aussi s’adresser au peuple.

Manon Aubry est issue d’une famille modeste de la Haute-Saône industrielle, où le père était ouvrier chez PSA et la mère tributaire de petits boulots. Sur son parcours et ses inspirations, elle explique : « J’ai toujours été curieuse, en particulier de comment fonctionnent les choses et les êtres. Ma scolarité m’est vite apparue comme un frein, à mes dix-huit ans je m’en suis détachée. J’ai alors exploré des sujets liés à l’écologie, avec un focus sur l’énergie et le nucléaire. La catastrophe de Fukushima-Daiichi étant intervenue le lendemain de mon anniversaire, j’ai ressenti cette détonation. Au vu de mes inspirations profondes et de la période inédite que nous vivions déjà, ça m’a complètement convaincue qu’il me fallait tracer ma voie ».

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Pour la toile « Renaître » inspirée de Loïc, huit mois de travail ont été nécessaires.

Un cheminement, qui va déteindre sur le fond et la forme de ses réalisations. « Ça a d’abord été un rapport au temps, en fait. Pour comprendre, penser, créer. Je me sens très proche de la manière qu’avait Alexandre Grothendieck dans « Récoltes et Semailles » de décrire ce cheminement intérieur, ce mouvement vers la connaissance qui est à l’origine de ma peinture. Il le comparaît à un ognon, dont on retirerait une à une les couches pour en atteindre in fine le cœur – une “vérité toute simple et évidente […] formulée en termes clairs et sans équivoque – pas en un long discours, mais en une petite phrase toute bête de trois ou quatre mots” ». Certes, l’auteur est atypique, mais la référence à un mathématicien reste assez inattendue.

Mais pour Manon Aubry, ce puisement est pourtant logique, tant l’écrivain de niche a su retranscrire la profondeur de ses sentiments et motivations. « En réalité, mon processus de création est très précisément celui-ci ; à cela près qu’il n’aboutit pas, pour ma part, à une petite phrase, mais à une allégorie, à la mise en relation harmonieuse et logique de quelques symboles qui me sont, au terme d’un long processus de pensée, apparus comme fondamentaux. En somme, ma démarche consiste à mettre en lumière ce “cœur”, ce noyau fondamental auquel je suis parvenue, dans lequel toutes les singularités, tous les êtres pourront se projeter – parfois s’y découvrir – en demeurant entre eux liés, et sans risquer de s’y diluer ».

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Au vernissage du 31 janvier dernier, la « galerie des Martyrs » était bondée.

Intitulé « la Vie sur Terre », le vernissage a reproduit cette synergie escomptée. « Il y a là des personnalités très différentes, réunies autour de mes toiles, et projetant activement, en pleine autonomie, chacune en elle leur singularité, leur vérité, tout en demeurant liées. C’est également cette philosophie-là qui oriente mes désirs politiques, ils pourraient là encore être formulés d’une manière “simple et évidente” : la démocratie ». Un regard que la contestataire exposait en 2019, lors d’une interview initiée par ces mots annonciateurs : « La perspective d’un effondrement civilisationnel lié à l’emprise de l’humanité sur l’environnement nous oblige à redéfinir les valeurs sur lesquelles est bâtie notre société et notre imaginaire ».

Image d’illustration : l’artiste-peintre Manon Aubry, posant devant le tableau « la dernière seconde ».

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