En poste depuis le 12 janvier 2024, le Préfet du Doubs, Rémi Bastille, est notamment remarqué par ses positions parfois très fortes, comme à l’occasion des quatre-vingts ans de la libération du camp d’Auschwitz, commémorés lors d’une cérémonie tenue aux « poteaux des fusillés » de la citadelle de Besançon, le 28 janvier dernier. Retranscrits dans un article de « l’Est Républicain », les mots qu’il a prononcés à ce moment-là sont effet explicites : « la République affirme qu’elle ne cèdera rien à l’antisémitisme, rien au racisme. Elle ne cèdera rien à la haine, sous toutes ses formes. Qu’elle s’affiche au grand jour ou qu’elle soit nourrie dans l’ombre, ou l’anonymat des réseaux sociaux ». Mais entre la parole et les actes, il y a parfois un gouffre. Comme nous le relations dans un dossier paru l’été dernier, le représentant de l’État entretient également des relations tout à fait officielles avec un dignitaire islamiste gravement mis en cause pour ses multiples dérapages.
Sur sur compte « Facebook » ouvert il y a dix ans, l’intéressé a ainsi publié des dizaines de messages plutôt compromettants… Relais d’un texte intitulé « comment le lobby Juif contrôle la France » (2014), pensée sur le « nouvel ordre mondial » incluant « la guerre 1939-1945 avec une victimisation volontaire pour semer la terreur » (2015), discours évoquant « les terroristes du PKK, sous ses formes de mutation LGBT » (2016), assertion « Simone Veil – [c’est] 40 millions d’avortements » trois jours après sa mort (2017), états-civils plus inclusifs qualifiés de « plan de destruction de la famille » (2018), promotion d’un débat entre Étienne Chouard et Farida Belghoul (2019), « Charlie Hebdo » désigné « au service de Satan » (2020), dénonciation de l’existence d’un passage-piéton arc-en-ciel comme seule réaction au vandalisme de celui-ci par une croix gammée (2021), allégation de « ventes aux enchères d’enfants par l’État » à des fins de « travail forcé » comme étant le signe d’une « culture européenne moderne » (2022)…
Un tableau déjà pour le moins parlant, mais qui s’est encore emballé ces derniers mois, avec la situation chaotique rencontrée au Proche-Orient. Théories du complot sur de prétendus « vols et trafics d’organes » menés par « Tsahal », détournements mémoriels réguliers comme celui du terme « holocauste », mais aussi partages de contenus aux titres souvent évocateurs tels que « le Hamas n’a pas commis d’acte terroriste, mais plutôt une attaque légitime contre des militaires », « merci pour la vidéo qui prouve bien que les destructions et massacres du 7 octobre ont été commis par Israël » ou encore « des rituels sataniques dans le tunnel sous la synagogue – des prépuces à gogo ». Une logorrhée accessible à toutes et tous, aisément trouvable en quelques clics sur Internet. Considéré comme un interlocuteur privilégié au titre de son mandat de « secrétaire » du « Conseil Départemental du Culte Musulman » (CDCM), son auteur n’aura cependant aucun problème à être régulièrement invité auprès des autorités.
Ratage complet des services compétents, ou entente assumée au-delà des divergences ? En tout cas, une collaboration étroite semble s’être amorcée entre le responsable religieux et l’administration. De sa prise de fonction aux premiers mois de règne, le Préfet du Doubs a enchaîné les différentes attaches et entrevues : lors de sa cérémonie d’investiture le 29 janvier 2024, durant une rencontre avec la sous-préfète Saadia Tamelikecht et la référente sécurité Sylvie Moulet le 25 février 2024, ou pour la rupture du saoum au « centre culturel islamique de Franche-Comté » le 9 avril 2024. Une lune de miel sans tache apparente, jusqu’à ce que « le Ch’ni » expose ce passif les 30 août et 22 octobre 2024. Par le contradictoire adressé au pôle communication et ces révélations publiques, depuis, plus personne ne pouvait logiquement prétendre ignorer le cursus du VIP. Mais bien que pourtant habitués à facilement « black-lister » tout contestataire, ici, les pouvoirs publics vont au contraire privilégier une remarquable mansuétude.
Le 18 décembre 2024, un évènement « œcuménique » et « pour la paix » est ainsi organisé avec le concours de la Préfecture du Doubs. Le prêcheur incriminé est évidemment de la partie, sans qu’organisateurs et partenaires ne s’en émeuvent. Les alertes avaient pourtant été renouvelées, ainsi qu’en témoigne le courrier électronique d’un collectif antifasciste local, daté de l’avant-veille, que nous nous sommes procuré. Ses membres s’indignaient d’observer cette proximité, a fortiori avec l’approbation de la « DILCRAH » – un organisme interministériel, censé lutter contre « le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT ». Une information qui n’est apparemment pas remontée, puisque le pamphlétaire a été une énième fois convié, cette fois, aux vœux de Rémi Bastille, le 10 janvier 2025. Malgré nos demandes engagées à partir du 28 janvier dernier afin de savoir si cette « République qui ne cède rien à la haine sous toutes ses formes » était compatible avec une telle connivence, nous n’obtiendrons jamais la moindre réponse.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la Préfecture du Doubs, en 2011 – Malebre/cc-by-sa-3.0.