Scops 1

La Scops est la continuation de l’association SPAM, basée place Marulaz de 2014 à 2019. Depuis, l’association a changé de nom et son local est situé rue des frères Mercier. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le nom Scops fait référence à un petit hibou, et non au format juridique du lieu, qui est une association loi 1901. Celleux qui font vivre ce lieu autogéré et foisonnant d’activité continuent de travailler activement à ouvrir l’espace et faire évoluer les manières d’être ensemble.

Autogestion et accessibilité
L’endroit ne dépend d’aucune subvention et fonctionne sur la base du bénévolat, des dons et de l’autogestion. Celleux qui le souhaitent se relaient pour assurer des permanences, tenir le bar, la friperie, proposer des évènements ou des ateliers. Au-delà du noyau dur qui compte une quinzaine de personnes, il est difficile de quantifier le nombre de celleux qui contribuent à la Scops, en raison du caractère ouvert de l’endroit, qui accueille régulièrement des intervenant·e·s extérieur·e·s : « Les personnes qui utilisent l’espace font aussi vivre le lieu », explique Mulet.

La présence des bénévoles à la Scops n’est pas continue. Pour Anne et Mulet, ces fluctuations ne causent pas de difficultés, mais posent tout de même la question du partage des savoirs : « Quand on fonctionne sans chef·fe, il faut décentraliser le savoir en même temps que le pouvoir. On met en place des tutoriels pour que même celleux qui arrivent sachent quoi faire dans telle ou telle situation, et éviter de se tourner toujours vers les mêmes personnes ». L’organisation de l’espace est également pensée dans une logique d’autogestion : « On reçoit beaucoup de dons, de récup, etc. donc on essaie de clarifier l’espace, de faire des signalétiques, pour que ce ne soit pas nécessaire d’être dans la Scops depuis cinq ans pour trouver un tournevis ».

Malgré l’ampleur de la tâche, ces efforts ont porté leurs fruits : « On commence à réussir à expliciter nos fonctionnements, ce qui rend le collectif moins imperméable, rejoignable plus facilement. Parce qu’arriver dans un endroit qui fonctionne selon des codes implicites, c’est excluant ». La Scops s’organise ainsi autour de l’idée d’accueillir tout le monde, en faisant attention aux nouvelles et nouveaux venu·e·s. Anne et Mulet insistent sur la volonté de ne pas mettre de pression en termes d’engagement ou de régularité, tout coup de main est bon à prendre : « Il y a des gens qui donnent un petit peu de temps par ci par là, c’est aussi grâce à ces gestes-là que le lieu vit ».

Scops Fripperie

Un espace ouvert
Accueillir tout le monde, c’est aussi accueillir tous les publics : « On a une image de lieu militant, mais ce n’est pas quelque chose qu’on cherche à cultiver. Il n’y a pas besoin de montrer sa carte de parfait·e militant·e pour rentrer à la Scops ». Loin d’être un écosystème isolé, la Scops démontre sa volonté d’être ancrée dans la vie du quartier : « De manière générale, on a de très bonnes relations avec le voisinage, pas mal de voisin·e·s passent pour la récup, on échange avec elleux à ces occasions ». Toutes les tranches d’âge sont les bienvenues et il arrive que des familles se rendent à la Scops, qui a pour projet d’aménager un espace de jeu au sous-sol : « Suite à une discussion de l’Infokiosque sur la domination adulte, on s’est dit qu’on aimerait que la Scops soit un lieu accessible pour les enfants ».

Et concrètement, que peut-on faire à la Scops ? L’endroit accueille régulièrement des ateliers et évènements sur des thèmes variables : réparation d’objets, cours de langue, danse, écriture, jeux de société, drag shows, concerts, jams, projections, débats, groupes de paroles etc. On peut aussi venir prendre un verre au bar, consulter les brochures de l’Infokiosque, faire un tour à la friperie du sous-sol : « Les prix vont de deux euros, pour un haut ou une chemise, à cinq euros pour un manteau : l’idée est de proposer à la fois du seconde main et une alternative à la fast fashion, accessible à tous les budgets ». Cette diversité d’activités traduit une volonté de n’être pas exclusivement un lieu militant, ni uniquement un lieu d’activité artistique et culturelle, mais de mélanger : « C’est aussi un geste important de proposer à la fois des ateliers, des fringues à prix très bas et du contenu militant ».

Le lieu accueille aussi les permanences et réunions de divers associations et collectifs. L’association Partage Droits Autonomie (PDA) dispose d’un local indépendant à l’intérieur de la Scops et a installé depuis l’an dernier sa bibliothèque, Au Bonheur des Garces, à l’entrée, près du bar : « Quand PDA est passée en mixité choisie, la bibliothèque est devenue moins accessible, on a donc décidé de la sortir de notre local. L’idée est que le plus de gens possible puissent se renseigner par elleux-mêmes sur le travail du sexe (TDS) et les sujets adjacents », expliquent Lev et Quentin.

Sur les étagères, des sections variées : TDS, racisme, rapport au corps, féminismes, LGBTQIA+, violences, vie sexuelle et affective, classes sociales, intersectionnalité : « On a collecté au fur et à mesure et on s’est rendus compte que tous les thèmes convergent d’une manière ou d’une autre vers le TDS ». L’accès à cette bibliothèque se fait en contrepartie d’une cotisation symbolique, qui permet également de contribuer au fonctionnement de PDA et à l’achat de nouveaux livres.

La Scops met ses locaux à disposition pour les permanences des collectifs InTRANSigeance, BRIQ et de l’association Liane. L’antenne bisontine de L214 dispose également d’un espace de stockage : « Historiquement on a eu beaucoup d’animalistes. Quand la Scops cuisine, c’est toujours végane, et quand les gens ramènent de la nourriture à prix libre ça peut être végétarien mais on demande de ne pas ramener de viande », expliquent Anne et Mulet. À ce sujet, l’espace cuisine, toujours en cours de réhabilitation, devrait accueillir à terme une cantine à prix libre.

Scops Cuisines

Continuer de faire évoluer le collectif
À la Scops, chaque décision se prend de manière collégiale. Les réunions mensuelles s’étirant habituellement sur plusieurs heures, des commissions prenant en charge une partie du travail en amont ont été mises en place. Chaque commission traite un sujet spécifique, on a par exemple la commission concert, la commission travaux dans la cuisine, etc. En février dernier, une commission transformation du collectif a été créée. Sa fonction : réfléchir aux conflits et aux violences qui peuvent avoir lieu à la Scops, en interne ou au sein du public lors des évènements.

La commission identifie d’abord les éléments structurels et organisationnels qui ont permis à un dysfonctionnement d’apparaître, puis propose des modifications en conséquence. « C’est important de parler de ça, même si c’est sensible », souligne Mulet. Avec cette commission, la Scops se positionne de manière franche sur le sujet encore trop tabou des violences au sein du monde alternatif et militant : « On approche les choses au cas par cas, en évitant de schématiser et d’enfermer les gens dans des stéréotypes et en essayant de comprendre les nuances, le contexte », précise Anne. Cela ne signifie en aucun cas minimiser ou faire preuve de déni.

« Quand on parle des valeurs du lieu, ce n’est pas un truc abstrait. On les met en place ici et maintenant, on essaie ». Une manière de fonctionner et d’évoluer qui laisse présager le meilleur à venir pour la Scops, à condition que l’association reste en mesure de financer le loyer et les charges. La chose n’est pas évidente pour un lieu autonome non subventionné, indépendant de l’État, qui prête son espace gratuitement et fonctionne essentiellement sur la base du prix libre : « Au quotidien, vu qu’on a beaucoup d’activités qui ne sont pas lucratives, on paie tout juste le loyer. Cet été, on a dû faire une cagnotte de soutien ». Le financement de l’association repose donc sur la fréquentation du lieu, les adhésions et la participation financière des spectateurices lors des concerts et des drag shows. Une raison supplémentaire d’aller y faire un tour.

Scops Biblio

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