Illustrations Oqtf Besancon

Dans la paisible ville de Besançon, les derniers jours du mois de février furent plutôt riches en faits-divers : suspicion de vol le 15, détention de stupéfiants le 20, vol de lunettes le 22, détention de stupéfiants le 25, vol de parfums le 26… Si aucune augmentation significative de la criminalité n’est à relever selon nos recoupements, la presse locale ne se prive toutefois pas d’inonder ses colonnes de larcins et autres petits délits en y consacrant à chaque fois un article spécifique et détaillé. Une religion du journalisme mainstream depuis fort longtemps, mais avec l’apparition d’une particularité toute récente : désormais, la fiche fournie clé-en-main par certaines « sources » indique systématiquement la mention OQTF (« Obligation de Quitter le Territoire Français »).

Suite à notre dossier « une traque aux sans-papiers devenue glamour » paru le 11 février dernier, les autorités tentent visiblement de reprendre la main côté communication. À l’occasion d’une conférence feutrée, la Préfecture a donc pu délivrer un message à ses relais : 1 600 personnes font l’objet d’une telle mesure dans le département, avec « une priorité donnée aux étrangers ayant commis des actes de délinquance ». Une mise au point pour les rédactions-partenaires, sans omettre de créer un lien insidieux entre immigration et insécurité que ne bouderait pas l’extrême droite. Et afin que la démonstration soit implacable, le robinet des services policiers et judiciaires est ouvert afin de livrer des exemples concrets et adaptés à destination du grand public.

D’un flacon « Chanel » soustrait aux « Galeries Lafayette » à la possession de trois grammes de résine de cannabis lors d’un tour en trottinette, la quasi-totalité des protagonistes exposé·e·s partagent ce statut administratif aujourd’hui décrié. Le propos insiste d’ailleurs particulièrement sur cette « situation irrégulière » jugée substantielle, avec compléments forts « informatifs » comme la nationalité exacte des mis en cause, l’absence de documents d’identité au moment d’un contrôle ou encore l’observation d’une maîtrise difficile de la langue française. Alors que la politique gouvernementale menée est dénoncée comme la plus réactionnaire depuis Vichy, pouvoirs et médias semblent aisément s’épanouir dans ce climat délétère, quand ils ne l’anticipent voire ne le provoquent pas.

Pourtant, l’examen de ces données parcellaires traduit une réalité moins tapageuse. En 2025 dans le Doubs, il y aurait donc officiellement 1 600 personnes sous OQTF. Ce chiffre, rapporté au nombre total d’étrangers légaux sur le département (32 600 soit 6% de la population, en 2022), donnerait un taux inférieur à 5% pour cette catégorie (4,90%). Cela sans y ajouter les « irréguliers » (aucune évaluation fiable), alors que le recours à cette mesure explose (passant de 49 017 en 2003 à plus de 140 000 en 2024, en France) et qu’une partie se voit annulée par les tribunaux (20%, en moyenne). Quant à la proportion d’OQTF faisant suite à une condamnation pénale, elle se situe au national à 1,4%, ce qui concernerait, chaque année dans notre circonscription, environ vingt-deux individus…



Illustration d’en-tête : Sélection de quelques articles de la presse locale, parus ces derniers jours, concernant des faits-divers relatifs à des personnes sous OQTF – Capture d’écran/montage.

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