Les 1er, 2 et 3 avril 2025, se tiennent les élections de la toute nouvelle « Université Marie et Louis Pasteur ». Rouages essentiels de cet établissement, le « conseil d’administration » (CA) et la « commission de la formation et de la vie universitaire » (CFVU) doivent ainsi être désignés par les quelque 30 000 étudiant·e·s comptabilisé·e·s. Un total de six propositions s’offrent à elleux, parmi lesquelles deux sont clairement classées à l’extrême droite : « la Cocarde étudiante », ainsi que « l’Union Nationale Inter-universitaire » (UNI). Entachées par une réputation locale ou nationale déjà sulfureuse, ces deux entités s’avèrent encore aujourd’hui incriminées par le comportement de leurs responsables. Selon nos recoupements, au moins six têtes nous sont ainsi remontées, épinglées pour leurs connivences radicales, leurs relais douteux ou leurs actes problématiques.
Quatre noms nettement marqués
Positionnée à l’extrême droite, « la Cocarde Étudiante » fut fondée en 2015 comme une organisation transpartisane, voulant rassembler toutes les tendances « patriotes » au sein des facs. Active de 2020 à 2022, la première section locale avait rapidement essuyé une renommée peu flatteuse : royalistes, identitaires, nationalistes s’y retrouvaient, parallèlement engagé·e·s pour la candidature présidentielle d’Éric Zemmour, avec parades armées et expéditions punitives. En perte de vitesse après la condamnation de ses deux chefaillons, ex-cadres du « Rassemblement National » (RN), pour une énième dégradation raciste à Besançon, ses scores sont restés modestes ainsi qu’en témoignent les dernières élections « CROUS » de février 2024 (414 voix, aucun poste). Elle est toutefois parvenue à s’implanter sur « l’UTBM » de Belfort-Montbéliard fin 2023, seul ancrage notable et durable dans le secteur.
En 2025 encore, la composition des listes « usagers/usagères » ne se départit pas d’une orientation volontiers proche si ce n’est tutélaire du « RN ». Une proximité politique assumée, dans les pas de Quentin Macullo, responsable régional de « la Cocarde Étudiante », mais également assistant parlementaire du néo-belfortain Guillaume Bigot. On retrouve ainsi deux figures du lepénisme, à travers Aurélie Géhant, dirigeante du « RNJ Haute-Saône », ainsi que Julian Girod, porte-parole pour le Jura. La première s’était un temps hasardée dans une obscure association nommée « le Lys étudiant », dont les membres admettaient ouvertement les inspirations venues, entre autres, du « Bastion social ». Quant au compte « Facebook » du second, on y aperçoit quelques abonnements gênants : « Boulevard Voltaire », « le gauchisme est une maladie mentale », ou encore « Maurras, la recherche, la discussion, l’émeute ».
La liste est complétée par un tandem plus discret, mais particulièrement actif. Il y a d’abord Othilie Fumey–Zaltzfus, passée un temps par les fémonationalistes de « Némésis » avant de se consacrer exclusivement à la confidentielle « Fraternité comtoise » ; une entité qui ne cache pas ses liens étroits avec « les Téméraires » de Bourgogne/Franche-Comté, alter-ego des « Braves » fondés par le suprématiste Daniel Conversano et dont l’œuvre est dédiée à la reconstitution d’une nation aux racines strictement « blanches ». Mais aussi Kilian Marlin, adepte des croix celtiques s’inscrivant sans tabou auprès de la formation néonazie « Vandal Besak ». Il fait l’objet de divers signalements internes, tant pour le collage régulier d’une propagande jugée « nauséabonde » au sein de l’UFR-SLHS qu’à cause de propos considérés comme « sexistes » et « xénophobes » au sein de sa promotion d’histoire.

« L’UNI », requiem d’une droite « modérée »
Initialement classée comme de droite « modérée », « l’Union Nationale Inter-universitaire » (UNI), apparue en réaction aux évènements de mai-1968, traverse aussi de fortes dissensions et polémiques. Strasbourg, Toulouse, Caen, Lille… On ne compte plus les villes où des affaires ont éclaté ces dernières semaines, de saluts hitlériens en jeu de carte antisémite. Jusqu’alors préservée de ces dérapages, l’antenne comtoise tourne essentiellement autour de pontes qui cultivent leurs bagages auprès des « Républicains » notamment du maire de Belfort Damien Meslot. Mais ses cercles ne renient cependant pas les apports plus réactionnaires, le « Rassemblement National » Jacques Ricardetti ayant par exemple été président de la division Franche-Comté dans sa jeunesse. Une ouverture qui se prolongerait donc logiquement aujourd’hui, avec l’inclusion de deux activistes aux passifs pourtant significatifs.
À commencer par Yona Faedda, starlette du groupuscule « Némésis ». Davantage présente dans les opérations mondaines et promotionnelles à Paris que sur les bancs des facs de Franche-Comté, son collectif s’est dernièrement annoncé sur Dijon après avoir essuyé des échecs cuisants à Besançon et à Dole. Dans le cadre de ses expositions politico-médiatiques aux relents xénophobes, l’intéressée est d’ailleurs poursuivie au pénal dans plusieurs dossiers relevant « d’appels à la haine raciale » commis depuis 2023 dans la région. Elle figurait sur les listes « CROUS » 2024 de la « Cocarde étudiante », aux côtés d’Othilie Fumey–Zaltzfus et de Garance Kalanquin-Marx, avec qui elle avait tenté de perturber un meeting du député « LFI » Louis Boyard, le 18 janvier 2024. Mais elle s’est finalement rapprochée de « l’UNI », ayant déjà été repérée lors de tractages comme le 21 septembre 2024 à la Bouloie.
Seconde figuration intrigante, celle d’Alban Karasu. Le jeune homme avait entrepris une pétition pour l’adoption de « congés menstruels », mise en avant mi-décembre par le journal « l’Est Républicain ». Mais outre une « usurpation » dénoncée par quatre organisations, la plupart de ses camarades relataient des « attitudes et propos sexistes ostensibles et répétés » de sa part. Sur les dix-huit autres patronymes essentiellement ordonnés dans les ultimes places difficilement éligibles, une pléiade d’ancien·ne·s ou actuel·le·s sympathisant·e·s des partis « Reconquête » et « Rassemblement National » ou de simples « patriotes » sans étiquette. Mais pour elleux, l’expression, aussi critiquable soit-elle, n’a, a priori, jamais dépassé le cadre démocratique classique. Reste un bon quart de meneurs/meneuses aux profils discutables, que les étudiant·e·s auront soin de plébisciter ou de rejeter.

En Bourgogne, une élection sous tensions
Les 19 et 20 février, « l’Université Bourgogne Europe » tenait elle aussi un scrutin pour désigner ses représentant·e·s. Mais la campagne fut tendue, entre la profession de foi de « la Cocarde étudiante » en partie interdite et l’éclatement d’altercations physiques avec des membres de « l’UNI ». Sur 3 743 bulletins exprimés, la première en a raflé 149 et la seconde 357 ; tous scores cumulés, l’extrême droite a donc atteint 13,52%. Seule « l’Union Nationale Inter-universitaire » parviendra à obtenir un élu, en la personne de Jürgen Tylls. Lequel a été rattrapé par de vieux démons, lorsqu’il dirigeait la cellule régionale « Génération Zemmour » courant 2022. En cause, une propension à graffer des croix gammées et l’envoi de chants explicitement négationnistes du « patron » au nouvelles recrues. Une énième affaire du genre pour cette structure, pour qui la détestation du Juif semble être un fil conducteur.
Dans la capitale comtoise, l’idée même d’une offensive analogue se trouve particulièrement combattue par les étudiant·e·s. En pleine fronde contre cet établissement « Marie et Louis Pasteur », les assemblées générales se sont ainsi attachées à traiter des rassemblements radicaux comme des discriminations qui en découlent. « Concrètement, nous ne sommes pas là par rapport aux élections. Mais on doit aussi tenir compte des dynamiques qui y sont liées, ici des listes menées par l’extrême droite. Les mobilisations se font plus naturellement en marge des votes, ça vaut bien sûr pour les faf·fe·s qui sortent alors du bois. On se doit d’être vigilent·e·s, car les attaques contre les syndicats de gauche et les mouvements sociaux ne sont pas rares. Il reste heureusement des bastions comme le site Megevand, mais on doit porter constamment et toujours plus loin la parole antifasciste » expose ainsi un adhérent de « Solidaires-Étudiant·e·s ».
Une situation qui inquiète jusqu’aux professeur·e·s et autres agent·e·s, l’un confiant : « Ça fait un moment que certain·e·s foutent le bordel à la fac de Lettres, ce sont toujours les mêmes à la manœuvre. Stickers, affichettes, graffitis, aux symboliques infamantes, apparaissent constamment à leur détour. Leurs dépositaires sont identifié·e·s, il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’ielles se déploient sur des listes bien brunes. Toutes ces informations sont remontées à qui de droit, mais pour l’instant, les choses avancent très timidement dans les directions. Il serait peut-être temps de siffler la fin de la récréation, avant que ça ne dégénèrent. Car, pour beaucoup de gens, devoir faire face à des emblèmes faisant l’apologie d’idéologies haineuses et totalitaires devient intolérable ». Contactées mercredi après-midi par nos soins, les sections comtoises de « la Cocarde Étudiante » et de « l’UNI » n’ont pas donné suite à nos demandes.

Illustration d’en-tête : Exemple d’un autocollant retrouvé à la faculté de Lettres/Mégevand, en décembre 2024.