Figure conservatrice assumée, l’écrivain Sylvain Tesson continue d’enchaîner les polémiques. Après la sortie d’un ouvrage exposant ses frasques et compagnonnages sulfureux, la dernière levée de boucliers suscitée par sa nomination en tant que référent d’un festival littéraire achevait de jeter le trouble sur son ancrage à l’extrême droite. Ses écrits discutables sur l’islam ou les migrant·e·s et son amour d’un certain Jean Raspail lui sont notamment reprochés, malgré un silence presque unanime de la profession. Invité-star ce vendredi à l’enseigne « Forum » de Besançon, l’hôte se garde ainsi de préciser les aspects peu ragoûtants du personnage dans ses diverses promotions.

Un mutisme persistant, qui se poursuit à travers la campagne de communication orchestrée. Au cœur d’une énième interview passe-plat parue hier après-midi, le très droitier Pierre Laurent pour « l’Est Républicain » ne s’arrêtera pas un instant sur ces réserves. Préférant un exercice de propagande, il ira jusqu’à maquiller les reproches existants en une formulation rhétorique digne des meilleures commandes de « la Pravda » : « Voilà un an, vous avez été la cible d’une cabale après avoir été choisi comme parrain du Printemps des Poètes. Vous avez exprimé le regret de ne pas avoir été plus offensif face au procès qui vous était fait. Que riposteriez-vous aujourd’hui ? »

De petites annonces en grands formats, le quotidien sature l’espace en répétant les mêmes procédés. Une amnésie accommodante d’une institution culturelle et d’un faiseur d’opinion, qui n’est pas au goût de tout·e·s les habitant·e·s. L’un, bien connu dans le monde de l’édition comtoise, relevant sur « Facebook » une analyse autrement moins feutrée : « Le succès de Tesson en France, de nos jours, n’a rien d’anodin, mais n’a pour autant rien de surprenant non plus : il est finalement tout à fait dans l’air du temps, c’est-à-dire dans l’air d’hier, celui du rouge-brun, grand nostalgique du temps béni des colonies, qu’il ne cesse de revisiter en conquérant (conquérant mâle et blanc, il va sans dire). »

« Prince des réacs parmi les réacs, héraut littéraire de cette nouvelle droite pestilentielle parmi une cohorte de royalistes frustrés et de cathos intégristes, chialant à la perte des traditions et des repères dès qu’on lui en donne l’occasion (Le Point s’en charge très bien, entre autres), Tesson, l’ancien de Radio Courtoisie et ami de nombreux, nombreux fachos, est un fabuleux suceur de roue du rayon aventure, enfilant les poncifs en même temps que les sinistres best-sellers : on a les figures littéraires que l’on mérite, je suppose » achève t-il, dans une publication virale. Si la vision est tranchée, elle permet au moins d’équilibrer la pléiade d’éloges et de poser le débat. Enfin.

Car la controverse s’avère être l’exact écho local aux interrogations déjà posées dans une tribune de janvier 2024, laquelle dénonçait la visibilité de Sylvain Tesson comme « renforçant la banalisation et la normalisation de l’extrême droite dans les sphères politique, culturelle, et dans l’ensemble de la société ». Dans cette ville aux bases antifascistes affirmées, le boycott de l’établissement se voit ainsi brandi par des internautes. Après d’importantes tensions en 2021 et 2024 à « l’Intranquille », ici plus qu’ailleurs, la politique n’est pas qu’une affaire de professionnel·le·s et d’échéances électorales, puisqu’elle vit aussi et surtout à travers la mobilisation de ses citoyen·ne·s.


Illustration d’en-tête : Sylvain Tesson, intervenant en 2024 lors du salon « Lire en Poche » de Gradignan – ActuaLitté/cc-by-sa-2.0.

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