À quatre reprises en douze années, les 577 sièges de l’Assemblée nationale ont été remis en jeu. Chaque fois le Rassemblement National (Front National, jusqu’en 2018) y a gagné des sièges de manière exponentielle, une dynamique qui se matérialise concrètement sur tout le territoire franc-comtois. Pour la décrypter, le Ch’ni vous propose trois infographies.
Avant le dernier redécoupage des circonscriptions législatives françaises qui date de 2010, la Franche-Comté comptait treize sièges à l’Assemblée nationale ; douze lui sont alloués aujourd’hui. Nous avons donc fait le choix de prendre comme point de départ le scrutin de 2012, pour examiner et comprendre l’évolution du FN/RN au niveau local.
Avant 2012, aucun·e candidat·e·s FN n’avait atteint le second tour lors d’une élection législative sur le territoire. Bien souvent, on assistait alors à un duel entre les sociaux-démocrates réformistes et les conservateurs libéraux. Pour faire simple, le PS et l’UMP se retrouvaient au second tour (voir ci-dessous la couleur politique de la Franche-Comté, lors du scrutin de 2012). À partir de 2012, cette configuration change. Sophie Montel, candidate FN dans la quatrième circonscription du Doubs, passe le premier tour et se retrouve dans une triangulaire face à Pierre Moscovici pour le PS et Charles Demouge pour l’UMP. Dans ce territoire qui regroupe les cantons d’Audincourt, d’Étupes, d’Hérimoncourt, de Pont-de-Roide, de Sochaux-Grand-Charmont et de Valentigney, le RN a toujours eu depuis ce scrutin sa place au second tour des législatives et y fera élire Géraldine Grangier en 2022 puis en 2024.
C’est donc par le nord de Franche-Comté que le RN s’installe, grappillant progressivement des voix pour finir par être présent au second tour sur l’ensemble des circonscriptions de la région au soir du 30 juin 2024. Emeric Salmon, élu député RN en 2022 et candidat à sa réélection sur la deuxième circonscription de Haute-Saône en 2024, totalise un tel nombre de suffrages au premier tour qu’il est élu le soir même. Le Jura, qui était jusqu’alors épargné par la présence du FN/RN au second tour des précédentes élections législatives, a vu lors de ce dernier scrutin émerger un·e candidat·e issu·e de ce parti dans ses trois circonscriptions.
En sept ans, le Rassemblement National a triplé son nombre de voix sur le territoire. Ainsi, si l’on totalise le nombre de voix des candidat·es FN/RN présente·es au premier tour ainsi que les voix des candidat·es passé·es au second, près de 82 600 bulletins FN avaient été glissés dans les urnes en 2017, environ 10% des inscrit·es. Cette année, ce sont près de 30% des personnes inscrites sur les listes électorales, soit plus de 246 500, qui ont voté pour le RN. Une hausse qui peut s’expliquer en partie par la forte mobilisation d’éléct·eurs·rices qui s’étaient abstenu·es aux précédents scrutins et qui cette fois-ci se sont déplacé·es voter pour le Rassemblement National.
Cette rapide hausse du nombre de voix est le signe qu’une large partie de l’électorat, qui auparavant votait pour des partis dit de gouvernement ayant implosés avec l’arrivée d’Emmanuel Macron, est en train de convertir son suffrage pour l’extrême-droite. Alors qu’à son arrivée au pouvoir en 2017, Macron avait affiché une volonté farouche d’être un rempart au RN, une partie de son électorat n’a pas été rebuté par le vote RN au second tour.
En 2012, la Franche-Comté est majoritairement représentée à l’Assemblée nationale par des député·es siégeant à droite de l’hémicycle. Le chamboulement politique lié à l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017 rebat les cartes. Ainsi, à l’occasion des élections législatives de 2017, sept député·es sur douze sont issu·es du parti du Président. Cinq années après, en 2022, seulement trois député·es représentent la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Le basculement vers le Rassemblement National se fait d’abord dans la 4e circonscription du Doubs et dans les deux circonscriptions de Haute-Saône, où les représentants du parti d’extrême-droite gagnent avec plus de 54% des voix face à un candidat LREM en 2022.
Aujourd’hui, ce sont cinq député·es du parti de Marine Le Pen qui représentent la Franche-Comté dans l’hémicycle : Antoine Villedieu et Emeric Salmon pour la Haute-Saône, Guillaume Bigot pour le Territoire de Belfort, Géraldine Grangier et Matthieu Bloch (Alliance LR-RN) pour le Doubs. Le seul siège qu’avait obtenu la NUPES en 2022 sur la 2e circonscription du Territoire de Belfort est aujourd’hui aux couleurs du RN. Dominique Voynet, élue le 7 juillet 2024 sous la bannière Nouveau Front Populaire sur la dexième du Doubs, est la seule députée de gauche qui représentera durant cinq ans la Franche-Comté à l’Assemblée Nationale.
La montée du RN s’est par ailleurs accompagnée d’une amélioration de la parité en Franche-Comté, ainsi le territoire franc-comtois est aujourd’hui représenté à moitié par des femmes. Une évolution qui s’est faite lentement puisqu’elles étaient trois en 2012, quatre en 2017 et cinq en 2022. La Haute-Saône et le Territoire de Belfort sont aujourd’hui représentés uniquement par des hommes, quand le Jura est lui représenté sur ses trois circonscriptions par des femmes. Sur les cinq sièges du Doubs, trois sont aujourd’hui occupés par des femmes. À l’issue du scrutin, la Franche-Comté est donc, en terme de parité, bien au-dessus de la part nationale, puisque dans la nouvelle Assemblée seulement 34% des sièges sont occupés par des femmes, un taux à la baisse par rapport au pic de 2017. Sans grande surprise, ce sont dans les rangs des Républicains et du RN et de ses alliés, que la part de femme élues est le plus bas.
Les circonscriptions par cantons
Doubs
1re circonscription : Audeux, Besançon-Nord-Ouest, Besançon-Ouest, Besançon-Planoise, Boussières, Quingey.
2e circonscription : Besançon-Est, Besançon-Nord-Est, Besançon-Sud, Marchaux, Ornans, Roulans.
3e circonscription : Baume-les-Dames, Clerval, L’Isle-sur-le-Doubs, Maîche, Montbéliard-Est, Montbéliard-Ouest, Rougemont, Saint-Hippolyte.
4e circonscription* : Audincourt, Étupes, Hérimoncourt, Pont-de-Roide, Sochaux-Grand-Charmont, Valentigney.
5e circonscription : Amancey, Levier, Montbenoît, Morteau, Mouthe, Pierrefontaine-les-Varans, Pontarlier, Le Russey, Vercel-Villedieu-le-Camp.
Territoire de Belfort
1re circonscription* : cantons de Belfort-2, Belfort-3 (quartiers Glacis du Château et Forges-Miotte), Châtenois-les-Forges (7 communes), Delle et Grandvillars, communes de Danjoutin, Denney et Pérouse.
2e circonscription* : cantons de Bavilliers, Belfort-1, Belfort-3 (sauf quartiers Glacis du Château et Forges-Miotte), Châtenois-les-Forges (9 communes), Giromagny et Valdoie (sauf commune de Denney).
Jura
1re circonscription : Arinthod, Beaufort, Bletterans, Chaumergy, Conliège, Lons-le-Saunier-Nord, Lons-le-Saunier-Sud, Orgelet, Poligny, Saint-Amour, Saint-Julien, Sellières, Voiteur.
2e circonscription : Les Bouchoux, Champagnole, Clairvaux-les-Lacs, Moirans-en-Montagne, Morez, Nozeroy, Les Planches-en-Montagne, Saint-Claude, Saint-Laurent-en-Grandvaux.
3e circonscription : Arbois, Chaussin, Chemin, Dampierre, Dole-Nord-Est, Dole-Sud-Ouest, Gendrey, Mont-sous-Vaudrey8, Montmirey-le-Château, Rochefort-sur-Nenon, Salins-les-Bains, Villers-Farlay.
Haute-Saône
1re circonscription* : Amance, Autrey-lès-Gray, Champlitte, Combeaufontaine, Dampierre-sur-Salon, Fresne-Saint-Mamès, Gray, Gy, Jussey, Marnay, Pesmes, Port-sur-Saône, Rioz, Scey-sur-Saône-et-Saint-Albin, Vesoul-Est, Vesoul-Ouest, Vitrey-sur-Mance.
2e circonscription* : Champagney, Faucogney-et-la-Mer, Héricourt-Est, Héricourt-Ouest, Lure-Nord, Lure-Sud, Luxeuil-les-Bains, Mélisey, Montbozon, Noroy-le-Bourg, Saint-Loup-sur-Semouse, Saint-Sauveur, Saulx, Vauvillers, Villersexel.
* Ces cinq circonscriptions forment l’ensemble nord-Franche-Comté.