À Besançon ce 7 septembre, la rentrée sociale était chaude. Contre le « coup de force » du président Emmanuel Macron, ce sont 1 200 à 1 500 manifestant·e·s qui furent en effet mobilisé·e·s dans la rue. Une démonstration locale conséquente, qui surplombe de loin toutes les autres dates dans la région. Les participant·e·s dénoncent un « hold-up » institutionnel après la victoire du « Nouveau Front Populaire » aux dernières législatives, depuis confirmé avec la nomination du LR Michel Barnier sous l’approbation de l’extrême-droite.
« Une alliance lepeno-macroniste »
Samedi après-midi place de la Révolution, c’est l’effervescence. Membres de partis, de syndicats, d’associations, mais aussi et surtout de multiples citoyen·ne·s, dont beaucoup de jeunes, ont répondu à l’appel. Un engouement massif et populaire qui en a surpris plus d’un·e, autorités et observat·eur·rice·s s’étant initialement préparé·e·s à une marche plus sobre numériquement. Mais c’est finalement une véritable démonstration de force qui s’est opérée dans les rues de Besançon, avec un cortège déterminé qui a traversé le centre-ville pendant plus d’une heure.
« Macron – destitution ! » scandaient notamment les participant·e·s, la plupart acquis·e·s depuis le verdict des urnes le 7 juillet dernier. « Peu importe le nom qui sortait, dans ces conditions le casting ne pouvait qu’être opposé à la décision du peuple. À ma connaissance, nous n’avions jamais vu ça durant la cinquième république, jusqu’ici la coalition emportant la majorité des suffrages était désignée pour conduire le gouvernement. C’est le sens même de la démocratie, sinon à quoi bon continuer de voter ? » s’emporte ainsi Robert, retraité et mélenchoniste convaincu.
Mais pour d’autres, la nomination de Michel Barnier (« les Républicains ») ajoute bien à la colère d’une crise institutionnelle inédite. À l’instar de Mina, étudiante non-encartée : « Il a commencé sa carrière politique sous le mandat de Georges Pompidou, ça fait donc cinquante ans qu’il est dans ce système. Ses positions libérales, homophobes, xénophobes, elles sont claires. La population a plébiscité le Nouveau Front Populaire, mais une alliance lepeno-macroniste s’est constituée afin de maintenir leurs idées au pouvoir. C’est un scandale, on ne peut pas être impassible ! »
Entre colère et amertume
« Mécontent des européennes, Emmanuel Macron a provoqué ces législatives. Avec une participation record, personne ne pouvait en contester l’issue. Certes il espérait pouvoir en tirer parti, mais sa liste est arrivée en troisième place. Même son alliée de circonstance, l’extrême-droite, s’est retrouvée derrière la gauche. Malgré les attaques incessantes et les tentatives de division, les électeurs et électrices se sont prononcé·e·s sur un programme de rupture. En faisant ce hold-up, il se comporte en putschiste » assène Alexis Poyard, responsable des « Jeunes Insoumis·e·s » (JI).
Une analyse largement partagée, notamment par Séverine Véziès (LFI), Philippe Châtelain (EÉLV), ou encore Marc Petronelli (PCF), qui ont pris la parole en ce sens. Toutes et tous exhortant à poursuivre et amplifier la mobilisation, notamment le 1er octobre prochain. Si la colère est perceptible, va-t-elle pour autant se maintenir dans le temps ? Pour certain·e·s, plus que la rage, c’est l’amertume qui pourrait surtout l’emporter. Beaucoup expriment désormais ouvertement leur dégoût des urnes et des institutions, en particulier chez les moins de trente ans.
« Je ne sais pas si je me déplacerai encore à l’isoloir, concrètement à quoi ça sert ? Les idées du NFP je ne les partageais pas plus que ça, d’ailleurs mes parents en rigolaient un peu considérant que ça ne vaut même pas les positions du front commun de 1981. Mais elleux comme moi on s’est quand même décidé·e·s à faire le nécessaire, car l’heure était grave. Sans une énorme conviction donc, mais au moins pour sauver ce qui pouvait encore l’être. Tout ça pour confirmer ce qu’on savait déjà, leur république n’est qu’une pure mascarade » déplore ainsi Laura, originaire du Jura.
Besançon, épicentre de la contestation ?
Comme souvent, la capitale comtoise fait figure de « terre de résistance » avec 1 200 à 1 500 protestataires enregistré·e·s. Dans le reste de la grande région d’autres rassemblements ont également été proposés, bien que plus modestement suivis : 600 personnes à Dijon, 250 à Mâcon et Auxerre, 200 à Lons-le-Saunier, 150 à Belfort et Montbéliard, 100 à Vesoul, 50 à Dole, quelques dizaines à Autun, Louhans, Avallon, Montbard… Au total il y avait 110 000 manifestant·e·s sur tout le territoire d’après le ministère de l’intérieur, trois fois plus selon l’organisation.
Presque toutes les forces du « Nouveau Front Populaire » (NFP) étaient engagées dans cette date, en particulier à Besançon : « La France Insoumise » (LFI), le « Parti Communiste Français » (PCF), « Europe Écologie/les Verts » (EÉLV), « Génération.S », le « NPA-l’Alternative », « Ensemble ! », « À gauche citoyens ! », le « Parti de Gauche », « AC/Agir contre le Chômage », ou encore « l’Union Syndicale Lycéenne » (USL). Seule l’absence du « Parti Socialiste » (PS) a été relevée, lequel n’a donc pas appelé à cette marche ni davantage participé à celle-ci.
Une attitude de retrait qui s’explique par la levée de boucliers suscitée à gauche autour du nom de Bernard Cazeneuve, sérieusement proposé comme possible chef du gouvernement avec le soutien de l’aile droite du parti et de divers cercles tels que « le Printemps Républicain ». Longtemps cadre du PS puis ministre durant l’ensemble du mandat présidentiel de François Hollande, l’avocat d’affaire reste étroitement associé à la mort de Rémi Fraisse, à la mise en place de l’état d’urgence, ainsi qu’à l’extension du droit d’usage des armes à feu par la police.