Le 13 janvier dernier en conférence de presse, le changement était officialisé : « l’université de Franche-Comté » devenait « Marie et Louis Pasteur », actant la rupture avec une Bourgogne qui, depuis 2015, supportait mal son rattachement à un siège situé en-dehors de ses terres. Ce nouveau regroupement comprend ainsi vingt-deux composantes et cinq associé·e·s, essentiellement autour des pôles de Besançon, Belfort et Montbéliard. Si l’annonce a été massivement saluée par la quasi-totalité des élites locales, le passage d’une « communauté d’universités et établissements » (COMUE) en « établissement public expérimental » (EPE) provoque également des craintes et contestations chez certaines organisations.
Mardi 28 janvier à la Bouloie, la présidente Macha Woronoff développe ses vœux pour 2025. Les derniers à ce poste, l’intéressée ayant exprimé son souhait de ne pas briguer la nouvelle direction de l’entité pourtant dessinée sous son règne. Mais entrées feutrées et parterre d’invité·e·s illustres ne freineront pas les velléités d’une petite dizaine de contestataires, bien déterminé·e·s à exprimer leurs réserves quant à ce « nouveau monde ». Entre deux prises de parole, un discours au mégaphone est lancé pendant que deux grosses banderoles sont déployées (« étudiant·e·s travailleur·euses uni·e·s contre la précarité » et « non à votre EPE »). Les protagonistes n’auront pas vraiment le temps de déclamer leurs revendications, qu’ielles sont expulsé·e·s manu militari.
Les trouble-fêtes n’en demeurent pas moins déterminé·e·s à ce que leur voix soit entendue, ulcéré·e·s d’un « tel consensus politique et médiatique ». Syndicalistes, notamment issu·e·s des rangs de « Solidaires », militant·e·s libertaires, sans étiquettes et soutiens, ne sont en effet pas nécessairement favorables à cette synergie. « Derrière le peu d’intérêt, une unification rime toujours avec des suppressions de postes administratifs, doublant la charge de travail, des suppressions de filières, obligeant les étudiant·e·s à suivre des cours sur plusieurs villes et donc à faire des trajets épuisants au quotidien, des diminutions du budget, et autres attaques contre le bon fonctionnement de la fac » relate notamment un jeune encarté en deuxième année de licence de sociologie.
Surtout, plusieurs rappellent que cette forme de structure permet aussi de contourner le code de l’éducation et la loi sur les universités sur bien des dispositions. « Il devient par exemple possible d’écraser la représentativité au Conseil d’Administration, où étudiant·e·s, enseignant·e·s et BIATSS seraient mis en minorité par rapport à des industriel·le·s et des représentant·e·s de l’État, qui n’auront pourtant été élu·e·s par absolument personne. Derrière, on sait très bien quelle vision du monde suivra… Augmentation des frais d’inscription, suppression de filières qui sortent de leur intérêt économique ou idéologique, et autres mesures poussant notre institution à se rapprocher des modèles de grandes écoles privées » complète une collègue originaire de Haute-Saône.
Une dernière complète, revenant en particulier sur la soirée du 28 janvier : « Nous voulions marquer notre opposition à ce coup de force, qui met en péril la démocratie de l’université, l’indépendance scientifique de la recherche, la survie de certaines formations, et donc l’avenir des étudiant·e·s. La sécurité privée est venu agresser plusieurs de nos camarades, avec étranglement, coups aux jambes et au visage. Le but était clair, nous faire mal pour laisser les personnes présentes profiter de leur champagne tranquillement. La privatisation n’aurait pas pu avoir une image plus nette que cette soirée, où nos locaux ont été fermés au public pour organiser une fête mondaine entre bourgeois. Mais c’est le début d’une lutte, qui ne prendra fin qu’au retrait ce statut d’établissement expérimental ».