Le 3 avril dernier, une proposition de loi devait être débattue dans l’hémicycle. Portée par le député « Horizons » Xavier Albertini, elle visait à réprimer toute forme de « stationnement illicite » des gens du voyage. Alourdissement des peines prévues, rattachement d’une installation « sans titre » au délit de destruction/dégradation/détérioration d’un bien, assouplissement des procédures d’expulsion… Une véritable bombe pour bien des observateurs/observatrices, dont la Défenseur des Droits, qui n’a pas manqué de publier un rapport sévère le 21 mars dernier. Sous la pression et les amendements de « la France Insoumise » (LFI), le rapporteur a fait machine. Pour l’instant.
Présidente du « groupe d’étude des gens du voyage » à l’Assemblée nationale, la députée LFI de Seine-et-Marne Ersilia Soudais, assistée de Ritchy Thibault, yéniche passé par Besançon, avait pris la tête de la contestation parlementaire : « Derrière cet intitulé sympathique, les réalités s’avèrent surtout racistes et liberticides. Il s’agissait de durcir la répression liée à une occupation considérée comme irrégulière, avec un doublement des amendes forfaitaires, la réquisition des véhicules, voire des condamnations allant jusqu’à trois années de prison ferme. Une façon de masquer le fait que dans cette histoire, ce sont l’État et les collectivités territoriales qui ne remplissent pas leurs obligations ».
Face à cet arsenal législatif, dix-sept associations se sont également unies afin de faire entendre leurs voix. Dont celle de Milo Delage, porte-parole de « France Liberté Voyage » : « Étant membre de la commission nationale consultative, j’ai entendu parler assez tôt de ce projet qui, je le rappelle, vise toute forme d’habitation mobile. Rapidement, dans notre communauté, tout le monde s’est mobilisé, forain·e·s, circassien·ne·s, commerçants·e·s des marchés, missions évangéliques, intellectuel·le·s sédentarisé·e·s… L’ensemble des itinérant·e·s étaient là. Personne ne s’attendait à une telle synergie, assez inédite chez nous, ce qui a pesé fortement dans le rapport de force qui s’est construit » relate-t-il.
Il ajoute : « Le principe de la sanction quand il y a des débordements, pourquoi pas. Mais ça implique d’abord que les règles soient respectées par toutes et tous, les administrations en premier lieu. Les lois Besson I et II, c’était il y a trente-cinq et vingt-cinq ans ! C’est facile de nous taper dessus quand les tensions arrivent, mais combien de communes sont aujourd’hui en conformité ? Que ce soit sur les aires d’accueil ou les terrains familiaux, on reste très loin des objectifs. À peine 17% pour ces derniers, selon les chiffres officiels [Besançon a inauguré son premier aux Montboucons mi-2018, NDLR]. Nous sommes entre 800 000 et un million dans ce pays, il serait temps qu’on nous laisse une vraie place dans la société ».
Même son de cloche pour Rémy Vienot, responsable de « Espoir et Fraternité Tsiganes de Franche-Comté » : « J’étais très inquiet des effets de ce texte si il avait été appliqué, car ses dispositions actaient parfois un arbitraire total. N’importe quel agent·e de police chargé·e par un·e maire un peu zélé·e aurait pu ainsi procéder à une lourde verbalisation et plus encore, sans l’aval ou le contrôle d’un·e juge… Pour nous, le retrait de cette loi est un soulagement. Mais nous ne minimisons pas la portée de cette tentative, qui s’inscrit dans une remise en cause constante de nos modes de vie. On reste sur nos gardes. Le risque, c’est que dans deux-trois mois, on nous ressorte les exactes mêmes velléités ».
Illustration d’en-tête : Aperçu du foyer de la famille Meyer, dans le Jura.