Mercredi soir à l’UFR-SLHS/Mégevand, le syndicat « SUD/Solidaires Étudiant·e·s » et le « Resto Trottoir » du collectif « Food not bombs » organisaient une conférence antimilitariste avec Fabrice Lamarck. Auteur du livre « Des treillis dans les labos, la recherche scientifique au service de l’armée » (« Le monde à l’envers », 2024), celui-ci est venu expliquer son analyse de la situation « militaro-industrialo-scientifique » devant une bonne trentaine de personnes. « Mon histoire commence à Grenoble en 2018, quand l’agence « Frontex » a tenu une réunion en pleine université. Il y a eu une réaction militante, avec une forte répression. Alors, avec quelques-un·e·s, on s’est demandé qui l’avait convié ici et pour quelles raisons ? Ça a été le début d’une enquête critique, d’un combat » débute l’invité.
Lequel dresse un panorama précis en France, rare pays à cumuler les « cinq fronts » que sont la terre, la mer, l’air, l’espace et le cyber. « On fait la guerre, on produit le matériel nécessaire et on excelle dans le nucléaire. Pour s’en convaincre, voici quelques données : Il y a 6 à 10 000 agent·e·s en « OPEX » sur des théâtres tels que le Liban ou via « l’OTAN » en Estonie et en Roumanie, on a encore pas mal de bases comme au Gabon et sur Djibouti, nous sommes le deuxième exportateur d’armes avec 27 milliards d’euros de commandes en 2023, le secteur représente 200 000 emplois directs dont des noms comme « Thalès », « Dassault », « Airbus », « Safran », « Ariane-Group », nous disposons de 330 têtes nucléaires et d’un « haut-commissariat à l’énergie atomique » qui cumule militaire, civil et institut public ».
Une présence très forte, qui s’attache aussi à la recherche. « La question a été de savoir s’il y avait des implications dans les facs et les labos, à travers des financements de thèses, des partenariats pratiques, ou des échanges économiques. L’armée, surtout en France, c’est beaucoup de matière grise pour penser la technologie et le futur. Via « l’observatoire de l’armement« , on a pu voir que des éléments utilisés par la Russie et Israël étaient effectivement conçus dans le coin. J’ai aussi regardé à Besançon où on retrouve des cas intéressants, comme une boîte en lien avec le « CNRS » et l’université qui s’inscrit dans un arc Grenoble-Paris-Toulouse… Via l’une de ses filiales, on y façonne ainsi des puces résistantes aux très hautes températures et des capteurs de surface. Évidemment, ça pose des interrogations ».
Les débats se sont ensuite enchaînés, avec l’évocation de la « loi sur les ingérences étrangères », la formation des esprits comme avec le « SNU », les tentatives d’entrer dans les champs des sciences humaines et sociales grâce au programme « Red Team »… « La France se prépare aux conflits de haute intensité, je prône un pacifisme résolu mais il n’y a pas d’opposition miracle. Investiguer, exposer, dénoncer, c’est déjà un très bon moyen de mettre à nu des acteurs et pratiques qui n’apprécient pas la lumière ». Commémorations du 11 novembre, action contre un stand « CIRFA » le 3 décembre, propos antimilitaristes dans un cortège le 2 avril… La capitale comtoise, ville de garnison, est aussi un centre de résistances et d’utopies, avec, peut-être, l’embryon d’un nouvel activisme.
Illustration d’en-tête : Aperçu de la tribune, avec Fabrice Lamarck (à droite). Aux premiers rangs, une banderole « militaire hors de nos facs » et des dizaines de broches sont disposées.