Comme désormais chaque année, les militant·e·s antispécistes de la région s’étaient donné rendez-vous devant les grilles du « salon du chiot » à Besançon-Micropolis. Ielles entendaient dénoncer le fond problématique de cet évènement organisé les 19 et 20 avril, accueillant les visiteuses et visiteurs avec tracts, pétitions et échanges. Membres de « Humanimo », du « CABle » ou encore de « antispéfem » y étaient donc présent·e·s, mais pas seulement. Ainsi que plusieurs d’entre elleux nous l’ont relaté dès hier après-midi, les participant·e·s ont dû composer avec l’apparition de sept individus visiblement allochtones se revendiquant d’un mystérieux « réseau Pythagore ». Visages dissimulés, dress-code noir, tee-shirts floqués et banderole professionnelle, s’agiteront, une partie de la journée, sous bonne garde policière.
À travers son responsable, « Jean Croix Zad », originaire du Languedoc, la petite troupe a profité de l’occasion pour annoncer son implantation locale. Que ce soit dans les discours ou dans les actes, rien ne fuitera sur un éventuel ancrage politique formel. Mais derrière le nom dédié au philosophe grec considéré comme le premier végétarien et le martèlement d’une ligne prétendument « apartisane », se cache un groupuscule animaliste d’extrême droite. En quelques clics, il n’est en effet pas difficile de retrouver des éléments flagrants de cette appartenance, par exemple à travers les investigations de « Street Press » publiées le 29 février 2024. À un abolitionnisme radical, succèdent proximités avec « Edelweiss » et le « Bastion social », discours violemment anti-LGBT+, haine des musulman·e·s, citation de références néonazies comme l’occultiste Savitri Devi lors d’une interview en 2022…
Une sensibilité qui est vite parue évidente aux autres protestataires, la plupart renseigné·e·s sur les tentatives de récupération fomentées par cette frange ; loin des « apéros saucisson-pinard » et des « cochons à la broche » prisés des identitaires, une poignée de nationalistes n’hésitent plus à se revendiquer « Straight Edge » ou à poser avec leurs chats. Ne souhaitant en rien s’approcher d’éléments pour qui lutte contre l’horreur des abattoirs et propagande néofasciste vont de pair, le « bloc associatif » va alors prendre ses distances. Sous les critiques nourries de ces embarrassants condisciples, fustigeant « l’amateurisme » de « pancartes écrites à la main avec des feutres ». « Leur arrivée a laissé planer une interrogation, puis, en voyant l’intitulé de leur groupe, ça a fait tilt… En les confrontant, ielles se sont révélé, aucun doute, il s’agissait bien de fachos » explique ainsi une protagoniste.
Mais sans surprise, cet aspect idéologique sera complètement absent des retranscriptions médiatiques. Pour faire passer son message, le « réseau Pythagore » a désigné « l’Est Républicain » comme interlocuteur ; un quotidien habitué à offrir des tribunes accommodantes aux voix réactionnaires, qui ici encore ne dira pas un seul mot fâcheux quant aux attaches pourtant palpables de ces étranges activistes. « En terme de désinformation, cet article est malheureusement une énième pépite. Sa rédactrice s’attache simplement à décrire un code vestimentaire sombre, que le lectorat relie aux « Anonymous » cité·e·s. Tout le questionnement se concentre donc sur la forme dépeinte comme radicale, excluant le fond rance porté par ces énergumènes. Pas une seule mise en perspective afin d’évoquer la nature de cette mouvance, ou a minima renvoyer sur les enquêtes à ce sujet » s’emporte une source.
Une neutralité qui divise
Cette incursion a provoqué d’important débats internes, plusieurs participant·e·s ayant manifesté leur volonté de se dissocier nettement des militant·e·s néofascistes posté·e·s à deux pas d’elleux. Mais les plus institutionnel·le·s ont quant à elleux préféré brandir une attitude de « neutralité », faisant ainsi le choix de ne pas s’élever davantage contre cette présence. Une dissension qui a entraîné des départs prématurés et l’écourtement de l’action, certain·e·s concédant même qu’ielles ne voulaient « plus rien faire avec des associations pas claires ».
Dans le monde de la cause animale, la discussion s’avère ancienne et enflammée ; si à l’été dernier de multiples organisations s’étaient finalement prononcées contre une prise de pouvoir de Marine le Pen, d’autres à l’instar du « Parti animaliste » défendent farouchement un axe « ni droite ni gauche » laissant la porte ouverte à « toutes les bonnes volontés ». Une résolution qui n’est pas sans rappeler des tensions analogues à Besançon, comme l’ouverture du « collectif Palestine » à des référent·e·s antisémites sous couvert d’une convergence « large ».
Autre interpellation, la flexibilité de la Préfecture du Doubs. Selon nos informations, le « réseau Pythagore » a bien déposé les documents nécessaires auprès des pouvoirs publics… mais ne se serait pas privé d’ajouter quelques précisions, en particulier que ses membres interviendraient le visage dissimulé durant la mobilisation. Un point qui fut en tout cas constaté sur place, sans ébranler les forces de l’ordre. Une mansuétude étonnante, alors que les autorités multiplient les procédures répressives au sein des cortèges de gauche pour ce motif.
Illustration d’en-tête : Pose de membres du « réseau Pythagore », lors d’une action – capture d’écran.